Subprime : teneur de marché, le nouveau métier de la Fed

En décidant d'abaisser son taux d'escompte de 6,25% à 5,75% et d'allonger cette facilité de financement à trente jours, la Réserve Fédérale semble entreprendre un nouveau métier : teneur de marché de dernier recours.

On a perdu l'habitude du guichet de l'escompte. La dernière fois que ce terme a été abondamment utilisé, les Etats-Unis se débattaient dans une crise bancaire de grande ampleur, de 1990 à 1992. A l'époque, la Réserve Fédérale avait assuré plusieurs fois les banques qu'elles pouvaient se refinancer en utilisant cette facilité de crédit, qu'elle était largement ouverte et qu'on ne leur poserait aucune question délicate.

Le taux d'escompte correspond véritablement au métier de prêteur en dernier recours d'une banque centrale. C'est un taux "punitif" car il est plus élevé que le niveau cible des fonds fédéraux (5,25%) mais c'est un taux qui permet à une banque de financer son activité quand une contraction de crédit devient trop importante.

Or, dans la situation actuelle, de nombreux établissements bancaires ne pouvaient plus faire leur travail d'intermédiation, de financement de l'économie. Mercredi 15 août, l'encours des effets commerciaux avait diminué de 4% (81,6 milliards de dollars) par rapport au 8 août. Plusieurs entreprises de bonne stature étaient incapables de vendre leur papier commercial alors que le système bancaire regorgeait de liquidités à la suite des multiples injections des banques centrales. La baisse du taux d'escompte et l'allongement de la période de financement étaient deux réponses ad hoc à apporter pour le court-moyen terme.

Cependant, pour apporter une bonne dose de sérénité aux marchés, il faudra sans doute faire plus, notamment en matière de titres apportés au guichet de l'escompte ou à son équivalent dans d'autres banques centrales. Généralement, ces dernières acceptent de prendre en pension des titres de première catégorie, ceux des bons emprunteurs qui disposent d'une bonne note de crédit. Or, les problèmes actuels ne concernent pas ces emprunteurs là, mais les "papiers" beaucoup plus risqués, voire très risqués.

D'où la question que commencent à poser certains observateurs : les banques centrales doivent-elles devenir teneur de marché en dernier recours ? Autrement dit, doivent-elles accepter en pension d'autres types d'instruments financiers ? La décision de la Réserve Fédérale apporte un élément de réponse puisqu'on soupçonne que son action était destinée à éviter la faillite au grand acteur américain du financement de l'immobilier Countrywide Financial Inc.

Par ailleurs, en élargissant leur champ d'intervention, les banques centrales ne feraient que répondre aux nouveaux défis posés par l'évolution de la désintermédiation bancaire au cours des 20 dernières années. Lorsque votre père empruntait pour acheter son logement, son emprunt restait sur le bilan de la banque. Aujourd'hui, si vous empruntez pour vous loger, il y a de fortes chances pour que votre emprunt soit "repackagé" et acheté, comme investissement, par la Sicav de votre cousin (au hasard, une sicav d'une banque française). La différence majeure entre les deux époques est l'émergence de mécanismes de transfert de risque de crédit qui sont devenus rapidement la norme de l'industrie financière.

Pour les banques centrales, signaler qu'elles sont devenues teneurs de marché en dernier recours doit s'accompagner de garde-fous : elles doivent permettre aux acteurs sains de se financer et laisser les spéculateurs subir les conséquences de leurs décisions, c'est-à-dire une disparition pure et simple.

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