Délocalisations en zone dollar : les décisions d'EADS et de Dassault inquiètent

Le PDG d'EADS aux Etats-Unis a confirmé qu'une décision sur d'éventuelles délocalisations pourrait être prise avant la fin de l'année. Une décision qui inquiète les responsables politiques français et européens, et les syndicats du groupe.

Après les déclarations d'EADS et de Dassault Aviation sur des délocalisations en zone dollar, le président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker s'est dit lundi soir préoccupé par les projets de deux fleurons de l'industrie aéronautique européenne de délocaliser une partie de leur production en zone dollar, à cause de l'euro fort.

"C'est une salve d'annonces qui m'inquiète", a déclaré le ministre des Finances et Premier ministre luxembourgeois. "Mais j'inciterai tout de même ceux qui prennent ces décisions à réfléchir au bien fondé de leurs décisions sur le moyen terme", a-t-il ajouté.

Du côté des syndicats, "on ne peut accepter cette théorie. Se baser sur les parités de monnaie, c'est dangereux, ces parités peuvent s'inverser. Et puis l'Europe n'a pas fait l'euro pour nous faire perdre des emplois. La BCE (Banque centrale européenne) doit écouter ceux qui font la richesse ici", a estimé le délégué syndical de Force ouvrière (FO) Julien Talavan chez Airbus France.

"Cette annonce s'ajoute au mauvais climat qui règne chez nous, après l'annonce du plan de restructuration Power8 qui avait déjà bien touché les salariés", a ajouté ce responsable de FO, syndicat majoritaire au sein d'Airbus France.

Toujours en France, les réactions politiques n'ont également pas tardé. Le projet de délocaliser d'EADS, "c'est la petite goutte qui fait déborder le vase", a ainsi estimé lundi soir le président de la commission des Finances du Sénat, Jean Arthuis, mettant en cause la "politique économique" de l'Europe dans les déséquilibres monétaires défavorisant la zone euro.

"Il faut être conscient que ce processus (de délocalisation, NDLR) ne s'arrête pas", et que d'autres activités vont suivre après l'aéronautique, a prévenu Jean Arthuis sur Public Sénat. "C'est la politique économique européenne qui est en cause", a-t-il jugé estimant que l'Europe devait "assumer la négociation et commencer à s'ériger face à d'autres pays qui ne respectent pas la même orthodoxie que la Banque centrale européenne". "Il y a là un rapport de force politique qu'il faut établir entre l'Europe et les pays du monde", a-t-il ajouté.

Malgré ses réactions, EADS semble toutefois bien décidé à lancer des procédures de délocalisations. Le PDG du groupe européen aux Etats-Unis, Ralph Crosby, a annoncé lundi soir qu'une première décision pourrait être prise avant la fin de l'année sur une délocalisation d'une partie de la production aux Etats-Unis ou dans d'autres centres manufacturiers.

"Si nous voulons sortir du piège de l'euro, il faudra faire plus de choses soit ici, soit sur des sites de production encore à plus bas coûts", a-t-il plaidé, ajoutant que la décision définitive appartenait aux plus hauts dirigeants du groupe.

Déjà, lundi sur Europe 1, Louis Gallois, président exécutif d'EADS, confirmait la nécessité de délocaliser en zone dollar. "Je crois malheureusement qu'il ne faut plus employer le conditionnel: il ne faut pas dire il faudrait, il faut dire il faudra, parce que nous n'avons pas le choix". Le niveau du dollar face à l'euro "est le principal problème pour nous" et "le seul moyen de préparer l'entreprise à un dollar que plus personne ne maîtrise, c'est de s'installer malheureusement en zone dollar".

Le PDG a rappelé que le plan d'économies Power8 d'Airbus, qui prévoit notamment 10.000 suppressions d'emplois (dont 5.000 chez les sous-traitants), a été élaboré sur la base de 1,35 dollar pour 1 euro. Contre plus de 1,45 voire près de 1,50 en ce moment

"D'ici 2010, nous serons amenés à demander des économies supplémentaires, mais ce n'est pas forcément de l'emploi, car nous sommes en période de montée de charge, nous continuons à embaucher pour les emplois directs sur la production (...) dans les usines, les bureaux d'études ", a-t-il souligné à l'heure où l'on parle d'un renforcement du plan Power8.

La hausse de l'euro face au dollar prèse aussi sur la partie du plan qui consiste à céder des sites en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne: "la baisse du dollar ne facilite pas les choses, reconnait Louis Gallois. Nous sommes en train de discuter avec les repreneurs possibles".

Certes, la délocalisation ne concerne pas toute la production des avions mais plutôt des pièces comme "des portes, des éléments de fuselage, des éléments d'aile" qui peuvent être réalisées "à l'extérieur de l'Europe", comme l'a souligné le président d'EADS. Il indique également que ce phénomène va concerner surtout les sous-traitants et fournisseurs "puisque dans les coûts directs d'un avion, Airbus fait directement 16% et les fournisseurs nous apportent 84%".

Airbus vient de signer des accords pour installer une future chaîne de production d'A320 en Chine et pour y faire produire 5% de son nouveau programme d'avion long courrier moyen porteur l'A350 XWB (extra wide body, fuselage très large) qui doit concurrencer le nouveau Boeing 787. La Chine est une des réponses à ce problème monétaire car la devise chinoise est en partie arrimée au dollar et donc très faible face à l'euro malgré la forte croissance du pays.

Ce week-end, dans Le Monde, le président de Dassault Aviation, Charles Edelstenne, également président du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), a annoncé son intention de délocaliser une partie de sa production "dans des zones dollar ou à bas prix". Sachant que Dassault fait déjà produire outre-Atlantique une partie de ses Falcon dans sa vaste usine de Little Rock en Arkansas (terre de l'ex président Bill Clinton).

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