Départs collectifs : quand les salariés mènent la danse

Bien que les débauches d'équipes nourrissent le quotidien des services de ressources humaines dans la finance, elles demeurent taboues. La récente plainte de Calyon dénonçant un recrutement frauduleux de Mizuho de 11 de ses employés, quittant tous ensemble leur employeur pour le même concurrent, jette un pavé dans la marre.

"Deux chefs de salle d'une grande banque ont obtenu dix et sept millions d'euros de bonus au titre de l'année 2000 en agitant la menace crédible de faire partir l'ensemble des équipes qu'ils dirigeaient dans une banque rivale", rapporte l'économiste Olivier Godechot dans son ouvrage Hold-up en finance. Cet exemple illustre avec force le rapport de force, qui joue clairement en faveur des salariés.

Le groupe fait la force.

Le phénomène concerne avant tout les salles de marchés, les banques d'affaires et les fonds d'investissement. Les débauches d'équipes permettent à celui qui recrute d'être quasiment immédiatement compétitif. Elles touchent rarement tous les éléments d'une équipe. La solidarité trouve ses limites dans l'opportunité de refaire rebondir une carrière plus rapidement après ces départs collectifs. "Une équipe de collaborateurs habitués à travailler ensemble a plus de valeur qu'une juxtaposition d'individus très forts qui ne travaillent pas ensemble. Le succès repose sur une équipe soudée", nous explique Antoine Kamphuis, responsable Banques et institutions financières chez Boyden. L'ampleur des recrutements dans le secteur financier et la pénurie de bons profils rendent plus difficile encore la relève d'une équipe débauchée par un concurrent.

La liberté du travail prévaut.

Le droit du travail reposant sur la liberté de changer d'employeur, l'entreprise victime d'un départ collectif se retrouve le plus souvent démunie. "Peu d'affaires finissent devant les tribunaux", note Philippe Métais, avocat du cabinet WhiteCase.

Deux règles doivent être respectées : la clause de non concurrence - si elle est inscrite dans le contrat de travail - et la non concurrence déloyale. Les petites sociétés de gestion peuvent disparaître car le départ d'une équipe a entraîné une baisse très importante de leurs chiffres d'affaires et de leurs profits. "En cas de comportement fautif, il est possible pour l'employeur d'obtenir des dommages et intérêts. L'évaluation du montant du préjudice est difficile à mesurer avec précision. Et la jurisprudence a tendance à accorder moins que ce qui est demandé", résume Philippe Métais.

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