Strasbourg consacre un musée à Tomi Ungerer

Sa ville natale ouvre un musée entièrement consacré au dessinateur et illustrateur, connu surtout pour ses livres pour enfants.

L'ouverture d'un musée public consacré à un dessinateur vivant constitue, en France, une première. Tomi Ungerer, 76 ans, n'a pas fait carrière dans sa ville natale. Mais la ville de Strasbourg, à laquelle l'artiste a fait plusieurs donations depuis 1975, ne pouvait plus faire l'économie d'un lieu dédié à l'enfant du pays, exilé en Amérique puis en Irlande depuis tout juste cinquante ans.

Illustrateur de livres pour enfants, dessinateur satirique et de publicités, auteur de dessins érotiques tantôt sobres, parfois violents, l'ancien élève de l'école municipale des arts décoratifs a investi une villa de 700 mètres carrés, en plein centre-ville, et entièrement repeinte en blanc.

"Ce parti-pris muséographique rappelle les intérieurs new-yorkais des années soixante", explique Thérèse Willer, conservatrice du musée Tomi Ungerer, promu d'emblée Centre international de l'Illustration. Les expositions (300 oeuvres, sur un fonds qui en rassemble 8.000) se renouvelleront au moins trois fois par an. Les oeuvres des comparses de la période new-yorkaise, de Saul Steinberg à Ronald Searle, ou des inspirateurs contemporains tels que Sempé ou Dubout feront l'objet à Strasbourg d'accrochages temporaires.

Les trois étages de la villa présentent, en un même lieu, trois volets artistiques de Tomi Ungerer. En rez-de-chaussée, les dessins pour enfants ancrent la production (70 ouvrages édités en France) dans un contexte inspiré par les contes traditionnels, mais de plus en plus ouvert à la société contemporaine. Dernier ouvrage en date, "Amis-Amies" (2007) est un plaidoyer contre le racisme et pour la tolérance. A l'étage, la production publicitaire et satirique de Tomi Ungerer, très actif dans les années soixante et soixante-dix, se révèle d'une redoutable efficacité, tant pour des magazines new-yorkais ("Expect the Unexpected", titre d'une campagne new-yorkaise pour l'hebdomadaire Village Voice) que pour des produits de grande consommation tels que les petits pois Bonduelle.

"The Party", ouvrage satirique sur les mondanités new-yorkaises paru en 1966, révèle une observation tranchante, à l'encre de Chine, des travers de cette société qui fera fuir l'artiste cinq ans plus tard dans une ferme, sur une presqu'île de la Nouvelle Ecosse. Les effets de masse de certains dessins, combinés à la caricature de personnages effrayants, rappellent l'oeuvre du peintre expressionniste allemand George Grosz.

Au sous-sol, protégées des regards des enfants qui feront aussi partie de son public, Thérèse Willer a sélectionné une trentaine d'oeuvres caractéristiques de la veine érotique de Tomi Ungerer. Les dessins d'observation se rapprochent, par la position des corps et la mise en exergue de zones érogènes, des dessins d'Egon Schiele. La mécanique de "Fornicon" (1969), condamnée par les féministes, révèle une imagination fertile, mais dangereusement (ou joyeusement) inhumaine.


Renseignements: www.musees.strasbourg.org

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