Exposé des motifs du projet de loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat

La Tribune publie le texte de l'exposé des motifs du projet de loi de réformes fiscales élaboré par le gouvernement Fillon, tel qu'il circulait hier, avant sa transmission au Conseil d'Etat. Ce texte détaille les mesures prévues tant en ce qui concerne les heures supplémentaires que la déduction des intérêts immobiliers, la baisse des droits de succession, le bouclier fiscal ou les aménagements de l'ISF.

PROJET DE LOI

Portant sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat

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Exposé des motifs

I. - Orientations générales

Le développement de l'économie passe en priorité par la réhabilitation du travail comme moyen de procurer aux salariés un meilleur confort de vie et de relancer la machine économique. Le confort de vie, c'est aussi une chance accrue d'accéder à la propriété et la possibilité pour la plupart des Français de transmettre en franchise d'impôt le fruit de leur travail.

Le travail sera ainsi mieux récompensé au travers d'une exonération de charges sociales et d'impôt sur le revenu pour les heures supplémentaires. Les étudiants qui sont amenés à exercer une activité salariée en vue de financer leurs études bénéficieront quant à eux d'une exonération d'impôt sur le revenu.

Il faut par ailleurs augmenter le pouvoir d'achat des ménages tout en privilégiant la croissance. C'est pourquoi les personnes accédant à la propriété y seront aidées au travers d'un crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt pour l'acquisition de leur résidence principale. Il est également proposé que la plupart des Français puisse transmettre en franchise d'impôt sur les donations ou successions le patrimoine qu'ils ont pu réunir tout au long de leur existence.

Pour permettre aux jeunes de bénéficier de ces mesures et afin de relancer la consommation, le Gouvernement prévoit la possibilité de transmettre sans impôt 20 000 € à chacun de ses enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants.

Il importe également de laisser à chacun une part suffisante de ce qu'il a gagné et ainsi de contribuer au maintien en France des personnes qui peuvent investir dans l'économie productive. C'est la raison pour laquelle il est proposé une réforme du bouclier fiscal dont le taux passerait à 50 % et qui comprendrait la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

Enfin, compte tenu de leur importance dans le processus de création de valeur d'une économie où l'innovation joue un rôle moteur, il est nécessaire de mieux répondre aux besoins en capital des petites et moyennes entreprises (PME).

C'est l'objectif qu'entend poursuivre le Gouvernement en permettant aux redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune de se libérer de leur impôt en souscrivant au capital de PME dans la limite de 50 000 €.

Cette réduction sera également offerte aux contribuables qui souhaitent procéder à des dons en faveur de la recherche et de certains organismes d'intérêt général.

Par le présent projet de loi, le Gouvernement entend ensuite moraliser la vie économique. Plusieurs mesures sont en effet proposées afin de mettre fin à des situations où l'ampleur des éléments de rémunération différée des dirigeants apparaît sans commune mesure avec leurs performances au regard de la situation de l'entreprise.

II. - Dispositions du projet de loi

Conformément à la volonté exprimée par le Président de la République de permettre aux salariés qui le souhaitent d'allonger leur temps de travail pour augmenter leur pouvoir d'achat, l'article 1er prévoit l'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er octobre 2007 et un allégement de cotisations sociales pour le salarié.

Les employeurs bénéficient également d'un allégement de cotisations sociales qui vise à compenser le surcoût des heures supplémentaires et à inciter l'entreprise à accroître son offre de travail. Par ailleurs, les heures supplémentaires n'entraîneront plus une baisse de l'allègement des charges sociales.

La mesure a vocation à bénéficier à l'ensemble des entreprises et des salariés, qu'ils soient du secteur privé ou du secteur public. Elle constitue une mesure générale adaptée à toutes les situations des salariés et des entreprises quels que soient l'organisation du travail et les effectifs.

Ainsi, l'ensemble des heures supplémentaires est pris en compte, qu'il s'agisse des heures dites du contingent, des heures choisies ou des heures effectuées dans le cadre d'une convention de forfait. Les heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel bénéficient aussi de l'exonération fiscale et sociale salariale, dans des limites permettant d'éviter les optimisations résultant d'une baisse du temps de travail contractuel.

Par ailleurs, le taux de majoration des heures supplémentaires dans les entreprises de vingt salariés au plus, qui était fixé jusqu'au 31 décembre 2008 à 10 %, est porté à 25 % au 1er octobre 2007 afin que l'ensemble des salariés bénéficie de la même majoration.

Afin de ne pas modifier l'économie d'autres avantages fiscaux ou sociaux soumis à condition de ressources dont bénéficieraient les salariés concernés, il est proposé de réintégrer dans le revenu fiscal de référence la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires.

Cette rémunération serait également prise en compte dans le calcul des limites conditionnant le bénéfice de la prime pour l'emploi (PPE).

En application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, l'Etat compensera les exonérations de cotisations de sécurité sociale aux régimes concernés.

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Afin d'améliorer la situation des étudiants qui doivent travailler pour financer leurs études, l'article 2 prévoit une exonération d'impôt sur le revenu des salaires qu'ils perçoivent, dans la limite de trois fois le SMIC mensuel.

Ainsi, l'exonération, actuellement limitée aux rémunérations perçues par les jeunes gens âgés de vingt et un ans au plus pour les emplois qu'ils occupent pendant les seules vacances scolaires ou universitaires ("jobs d'été"), est étendue aux salaires perçus par les élèves ou étudiants ("étudiants salariés") en contrepartie d'une activité exercée durant l'année scolaire ou universitaire.

La limite d'âge, appréciée au 1er janvier, est relevée de vingt et un ans à vingt-cinq ans au plus.

Enfin, en vue de préserver le cas échéant leurs droits à la prime pour l'emploi (PPE) calculés sur les seuls revenus imposés, cette exonération est applicable sur option des intéressés.

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Afin d'aider les personnes qui acquièrent leur résidence principale à financer cet investissement, l'article 3 institue un avantage fiscal à raison des intérêts d'emprunt supportés pour l'acquisition ou la construction d'un logement à usage d'habitation principale.

Cet avantage prend la forme d'un crédit d'impôt sur le revenu égal à 20 % des intérêts d'emprunt payés à compter du 1er jour du mois suivant la date d'entrée en vigueur de la loi, au titre des intérêts afférents aux cinq premières années de remboursement, dans la limite d'un montant annuel d'intérêts ne pouvant pas excéder 3 750 € pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et 7 500 € pour un couple soumis à imposition commune. Cette somme est majorée de 500 € par personne à charge.

Cet avantage fiscal s'applique aussi bien aux nouveaux emprunts qu'aux emprunts en cours, pour les intérêts payés à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi et afférents aux cinq premières annuités suivant l'acquisition de l'habitation principale. Il est ouvert à tous les accédants.

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Afin de faciliter la transmission des patrimoines représentant le fruit d'une vie de travail, l'article 4 prévoit un allègement des droits de mutation à titre gratuit.

Ainsi, les droits de succession sont supprimés au profit du conjoint survivant et du partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité.

L'abattement personnel de 50 000 € applicable pour les donations et successions sur la part de chacun des ascendants et de chacun des enfants vivants ou représentés est porté à 150 000 €. Corrélativement, l'abattement global de 50 000 € applicable sur l'actif net successoral est supprimé. Un abattement spécifique de 5 000 € est également institué pour les successions dévolues aux neveux et nièces.

Les transmissions entre vifs sont facilitées par la création d'une exonération de droits de mutation applicable aux dons en numéraire dans la limite de 20 000 € au profit d'un enfant, un petit-enfant, un arrière-petit-enfant ou, à défaut d'une telle descendance, d'un neveu ou d'une nièce.

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Depuis le 1er janvier 2007, les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 60 % de ses revenus, hors contributions sociales.

Afin d'améliorer encore la compétitivité fiscale de la France, l'article 5 ramène ce seuil de 60 % à 50 %.

En outre, les prélèvements sociaux (CSG, CRDS...) sont ajoutés aux impôts plafonnés.

Ces nouvelles dispositions s'appliqueront pour la première fois, en 2008, pour la détermination du plafonnement des impositions relatives aux revenus réalisés à compter de 2006.

Par ailleurs, plusieurs aménagements techniques sont apportés afin de tenir compte de certaines modalités d'imposition à la source ou fractionnées.

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Les petites et moyennes entreprises françaises et européennes font face à des difficultés de financement.

Or, ces entreprises constituent un segment essentiel du tissu économique, notamment en termes de créations d'emplois, d'innovation industrielle ou de renouvellement des agents économiques.

Le besoin de mobiliser un volume croissant de capitaux en faveur des PME amène le Gouvernement à proposer un dispositif fiscal d'incitation à la souscription au capital de ces entreprises.

De même, dans le but de soutenir l'effort en faveur de la recherche et de l'insertion des personnes, ce dispositif serait étendu aux entreprises d'insertion ou aux oeuvres d'intérêt général comme la recherche ou les universités.

L'article 6 permet ainsi aux contribuables qui le souhaitent d'affecter tout ou partie de leur impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au financement de PME ou d'organismes d'intérêt général.

Il prévoit une réduction d'ISF égale aux versements effectués dans la limite annuelle de 50 000 € soit au titre de souscriptions directes ou indirectes au capital des PME, quelle que soit leur forme sociale (société anonyme (SA), société à responsabilité limitée (SARL), société coopérative de production (SCOP) ...), soit au titre de dons au profit des fondations reconnues d'utilité publique, des établissements publics de recherche, des établissements publics d'enseignement supérieur et des entreprises ou des associations d'insertion.

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Depuis la loi de confiance et de modernisation de l'économie du 26 juillet 2005, les éléments de rémunération différée des dirigeants des entreprises cotées sont soumis au régime des conventions réglementées. Elles sont par conséquent préalablement autorisées par le conseil d'administration (ou de surveillance), font l'objet d'un rapport spécial des commissaires aux comptes sur lequel statue l'assemblée générale des actionnaires et sont soumises à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires.

Ce dispositif apparaît aujourd'hui insuffisant notamment lorsque l'ampleur de la rémunération différée apparaît, au moment de son versement, sans commune mesure avec la performance du dirigeant ou la situation de l'entreprise.

Afin de mettre un terme à de telles situations, l'article 7 prévoit :

- l'obligation de subordonner le versement de rémunérations différées à certaines conditions de performance fixées dès le départ dans la convention et appréciées par le conseil d'administration au moment du versement (seule l'éventuelle indemnité pour clause de non-concurrence n'est pas soumise à cette condition) ; les conventions en cours doivent être mises en conformité avec cette disposition, que justifie l'intérêt général, sous le délai d'un an ;

- une obligation de rendre publique dans de brefs délais la décision d'autorisation par le conseil d'administration (ou de surveillance) de la convention de rémunération différée entre l'entreprise et l'un de ses dirigeants et l'appréciation par le conseil des conditions de performance préalablement à leur versement ;

- le maintien du dispositif de la loi de confiance et de modernisation de l'économie du 26 juillet 2005 en ce qui concerne la soumission de ces conventions de rémunération, en tant que conventions réglementées, à l'assemblée générale, mais en précisant que cette soumission doit donner lieu à une résolution séparée des autres conventions réglementées et en soumettant à nouveau ces conventions aux actionnaires en cas de renouvellement de mandat.

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L'attribution d'options sur actions par les entreprises a été conçue jusqu'à présent comme une forme de rémunération réservée par nature de manière très limitée au bénéfice de certaines catégories de salariés ou de mandataires.

Ce dispositif a montré des avantages pour ses bénéficiaires. La limite à l'extension de celui-ci tient d'une part aux politiques trop restrictives des entreprises, d'autre part à la caractéristique même de ces dispositifs qui requièrent, à la différence des actions gratuites, l'achat de l'option.

Afin de remédier à cette situation, il convient de faire discuter plus largement l'attribution de ces plans avec tous les salariés et de prévoir un avantage pour les catégories qui ne sont pas concernées par les projets de leur entreprise.

L'article 8 prévoit donc qu'un plan d'option sur actions ne peut être réservé à certaines catégories de personnel sans consultation préalable du comité d'entreprise sur les catégories de bénéficiaires de l'attribution d'options et sans que soient proposées simultanément des mesures dont bénéficieraient notamment les autres salariés. Dans ce but, il est notamment rendu obligatoire de proposer, à l'examen du comité d'entreprise, des mesures au titre de l'un des dispositifs mentionnés au titre IV du livre IV du code du travail (intéressement, participation, plan d'épargne d'entreprise) ou d'un dispositif d'actionnariat salarié.

Par ailleurs, la possibilité pour les entreprises d'attribuer des options avec une décote pouvant aller jusqu'à 20 % est supprimée. Cette pratique est en effet critiquable dans la mesure où cette décote correspond à un gain certain (et donc non lié à la performance du dirigeant) au moment de l'attribution.

Afin d'éviter que l'augmentation des abattements personnels applicables aux transmissions à titre gratuit en ligne directe prévue par l'article 4 du projet de loi ne conduise à une large détaxation de l'imposition des options sur titre ("stock-options"), il est prévu de maintenir l'imposition du gain d'acquisition en cas de donation, comme dans le dispositif d'attribution d'actions gratuites.

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