Le Centre d'analyse économique préconise de laisser à la négociation de branche le soin de déterminer la durée du travail

Un récent rapport du Conseil d'analyse économique, rattaché au Premier ministre, analyse la réglementation du travail en France. Ses auteurs préconisent de supprimer la durée légale du travail ou, pour le moins, d'en limiter les effets en laissant aux branches le soin de fixer les règles en matières d'heures supplémentaires. Le rapport se montre également sceptique sur les conséquences d'un allégement des prélèvements pesant sur les "heures sup".

Voilà un rapport qui tombe à pic. Alors que le gouvernement réfléchit sur l'opportunité de supprimer, à moyen terme, la notion de durée légale du travail (voir "La Tribune" des 10 et 11 août) en laissant aux entreprises le soin de négocier cette durée du travail avec les syndicats, un tout récent rapport du Conseil d'analyse économique apporte un éclairage intéressant sur cette question.

Rédigé par les économistes Patrick Arthus, Pierre Cahuc et André Zylberberg, ce rapport - intitulé "Temps de travail, revenu et emploi *" - préconise de simplifier la réglementation française en laissant une large part aux négociations collectives par branche, d'expérimenter sur une échelle réduite un allégement des prélèvements obligatoires sur les heures supplémentaires (voie que n'a pas choisi le gouvernement qui a préféré généraliser tout de suite une telle mesure) et d'assouplir la législation concernant l'ouverture des commerces le dimanche. Bref, trois thèmes d'une très forte actualité.

S'agissant de l'opportunité de maintenir ou non une référence à une durée légale du temps de travail (actuellement fixée à 35 heures hebdomadaires ou 1.607 heures annuelles), les auteurs reconnaissent que ce thème ne "relève pas de la compétence exclusive des économistes". En revanche, à la lumière de certaines expériences menées dans d'autres pays européens, ils suggèrent que la loi pourrait se borner "à définir la durée maximale du travail et les périodes pendant lesquelles le travail est autorisé".

A l'inverse, la durée à partir de laquelle les heures supplémentaires sont payées, le contingent d'heures supplémentaires, les taux de majoration des heures supplémentaires et les repos compensateurs "devraient relever de la compétence exclusive de la négociation collective".

Le rapport entre même davantage dans le détail. Si une durée légale était conservée, elle devrait être accompagnée d'un taux unique de majoration des heures supplémentaires qui pourrait être toutefois modifié et modulé par des accords collectifs. En d'autres termes, la règle générale serait donc supplétive et applicable en l'absence d'accord collectif. Par ailleurs, les auteurs estiment que le contingent réglementaire d'heures supplémentaires commun à tous le territoire et à tous les secteur (actuellement fixé à 220 heures) ne se justifie pas. Là aussi, les repos compensateurs et les contingents "d'heures sup" autorisés devraient relever de la compétence exclusive de la négociation collective.

Le rapport avance donc des pistes proches des souhaits de l'actuel gouvernement mais avec une différence de taille : le premier préconise la négociation de branche alors que le second penche pour des négociations entreprise par entreprise.

S'agissant de l'extension du travail du dimanche - un dossier confié par Nicolas Sarkozy à la ministre de l'Economie Christine Lagarde - les auteurs estiment "que deux pistes préservant au mieux les avantages et limitant les inconvénients sont envisageables". Il s'agirait, d'une part, d'autoriser l'ouverture le dimanche mais en donnant à "tout salarié un droit de refus à travailler ce jour-là". D'autre part, il conviendrait de "décentraliser complètement l'octroi d'autorisation d'ouverture". Une législation devrait donc donner totalement ce pouvoir aux autorités locales.

Enfin, les auteurs ne cachent pas leur scepticisme sur l'idée - déjà mise en oeuvre par la toute récente loi adoptée par le Parlement début août - d'alléger les prélèvements obligatoires sur les heures supplémentaires. Certes, cette mesure accroît le pouvoir d'achat de ceux qui travaillent au-delà de la durée légale. Mais, en contrepartie, le financement de cet allégement réduit le revenu des salariés qui ne font pas "d'heures sup". En outre, cette mesure "aura un effet négatif sur l'emploi, puisqu'elle incite les entreprises à substituer les heures de travail aux hommes".

* Rapport N°68 consultable sur WWW.cae.gouv.fr

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