"Waitress"
Sauvagement assassinée en 2006, la comédienne et réalisatrice américaine Adrienne Shelly laisse derrière elle ce très joli film, lumineux, plein d'humour et de tendresse, bien plus acide qu'il n'y paraît. L'histoire d'une adorable serveuse (Keri Russell), mariée à un crétin violent et grossier. Alors pour passer ses nerfs, la belle, faussement résignée, invente toutes sortes de tartes alléchantes, faisant ainsi le bonheur de ses clients. Une vie réglée comme du papier à musique, jusqu'au jour où elle tombe enceinte, et prend par la même occasion son timide gynécologue pour amant. Sous couvert d'une esthétique empruntée à celle des contes pour enfants, Adrienne Shelley tord le cou de la morale bien-pensante, et brosse à travers ce personnage de serveuse gentillette le portrait d'une femme redoutablement libre.
Y. Y.


"La vie d'artiste"
Dans ce premier long métrage plutôt réussi, Marc Fitoussi réunit trois artistes à la manque, en mal de célébrité, interprétés par des comédiens remarquables. Alice (Sandrine Kiberlain) est une actrice qui rêve de brûler les planches ou de briller à l'écran mais elle doit se contenter d'un rôle de prête-voix d'un manga japonais. Cora (Emilie Dequenne) se voit en chanteuse mais anime un bar de karaoké. Bertrand (Denis Podalydès) attaque son deuxième roman mais gagne sa vie comme prof dans un lycée. Tous vont user de subterfuges pour atteindre la réussite. Mais tous vont se planter et au final trouveront l'épanouissement là où ne le cherchaient pas. Une comédie aigre-douce sympathique, quoiqu'un peu artificielle.
N.T.

"Les méduses"
Autre film choral de la semaine, ce premier long métrage a valu au jeune couple d'Israéliens Etgar Keret et Shira Geffen la caméra d'or au dernier festival de Cannes. Accordant à la mer un rôle de premier plan, ils entrecroisent la trajectoire chaotique de trois femmes solitaires et mélancoliques, à Tel-Aviv. Le jour de ses noces, Keren se casse la jambe et doit troquer sa lune de miel aux Caraïbes contre un hôtel de la ville sans vue sur la mer. Emigrée philippine Joy s'occupe d'une vieille dame acariâtre et tente sans succès de lui faire renouer des liens avec sa fille. Batya est serveuse dans un restaurant à banquets qui voit sa vie changer le jour où elle recueille une gamine muette surgie de la mer. Comme les méduses, chacun se déplace au gré des courants sous-jacents sans savoir où il va. Le spectateur non plus!
N.T. "Les amours d'Astrée et Céladon"
Eric Rohmer pousse un peu loin le bouchon de la préciosité (son pêché mignon) dans son adaptation de "L'Astrée", roman pastoral totalement désuet d'Honoré d'Urfé, publié dans les années 1610. En conservant tous ses anachronismes et la vision stéréotypée qu'on avait au XVIIème siècle des Gaulois antiques, Rohmer raconte l'histoire du berger Céladon (Andy Gillet) et de la bergère Astrée (Cécile Cassel) qui s'aiment d'amour tendre dans une nature vierge, idyllique. Jusqu'à ce que, trompée par une rivale jalouse, la fille congédie le garçon en lui faisant promettre de ne plus jamais tenter de la revoir. Il tiendra parole mais, au terme de mille souffrances, se déguisera en fille pour contourner l'interdit et renouer avec la belle. Un film ovni!
N.T.

"Le corps sublimé"
La photographie s'invite sur grand écran cette saison. En attendant "Un homme perdu" de Danielle Arbid (le 19 septembre) inspirée de la vie d'Antoine d'Agata de l'agence Magnum, voici trois moyens-métrages inégaux consacrés à des photographes contemporains. Si le documentaire dédié au Tchèque Jan Saudek, plonge le spectateur dans son univers baroque, celui voué à Joel-Peter Witkin déçoit et agace du fait de la mauvaise qualité de l'image, mais aussi de la vacuité des propos de l'artiste. "Sans-titre", la belle fiction conçue à partir des clichés de Francesca Woodman (1958-1981) gagnerait, pour sa part, à être projetée dans une galerie d'art ou un musée.
Y. Y.