Le Conseil de la concurrence somme EDF de jouer vraiment la transparence

Saisi par Direct Energie, concurrent d'EDF, le Conseil de la concurrence ordonne à l'opérateur historique de mettre en place "un marché de gros ouvert et transparent" pour permettre aux fournisseurs alternatifs de faire des offres rentables. EDF a deux mois pour proposer de nouvelles offres de gros.

Alors que le marché de l'électricité sera totalement ouvert à la concurrence (y compris pour les particuliers) le 1er juillet, le Conseil de la concurrence a ordonné ce jeudi à EDF de mettre en place "un marché de gros ouvert et transparent" pour permettre aux fournisseurs alternatifs de faire des offres rentables.

"Il faut que cette ouverture à la concurrence réussisse", a déclaré à la presse le président de l'organisme de contrôle, Bruno Lasserre, en notant que les consommateurs étaient "perplexes" en raison de la hausse des prix.

Il est donc fait à l'ancien monopole obligation de faire une offre publique et non discriminatoire afin que les petits concurrents puissent servir efficacement les clients finaux. "La volonté du Conseil est de structurer un marché de gros qui soit ouvert à tous et transparent", a insisté Bruno Lasserre. Dans sa décision de jeudi, le Conseil de la concurrence a validé l'analyse de Direct Energie, contrôlé à 70% par le groupe Louis-Dreyfus, qui l'avait saisi en février, sur l'existence d'un "ciseau tarifaire", qui est susceptible de constituer un abus de position dominante.

Le Conseil de la concurrence a demandé à EDF de proposer dans les deux mois de nouvelles offres de gros. Il a souligné que l'opérateur historique, qui conteste sa responsabilité dans les dysfonctionnements actuels du secteur, avait proposé de remédier à la situation actuelle "en proposant, par la voie d'engagements, un dispositif d'approvisionnement en énergie de base d'origine nucléaire, sur la longue durée, pour les besoins des fournisseurs alternatifs sur les marchés de détail".

"Sans écarter cette proposition, le conseil a considéré qu'il fallait remédier rapidement à l'atteinte grave et immédiate portée à la fois à la société Direct Energie et au secteur, et a enjoint à EDF de lui transmettre dans un délai de deux mois une proposition de fourniture d'électricité en gros ou toute autre solution techniquement et économiquement équivalente permettant aux fournisseurs alternatifs de concurrencer effectivement, sans subir de ciseau tarifaire, les offres de détail faites par EDF aux consommateurs sur le marché libre".

Le Conseil ajoute que si EDF veut présenter des engagements, il doit le faire avant le 14 juillet. La proposition, qui devra garantir que l'offre repose sur des "conditions objectives, transparentes et non discriminatoires", fera l'objet d'un test de marché avec consultation des parties intéressées.

Direct Energie avait dénoncé, dans sa saisine, l'existence d'un "ciseau tarifaire", les tarifs de gros étant supérieurs aux prix de détail sur le marché des petits professionnels, qui est ouvert depuis le 1er juillet 2004. Le petit fournisseur, qui a perdu 9,5 millions d'euros pour un chiffre d'affaires d'environ 100 millions l'an dernier, reprochait également à EDF "de vendre à ses concurrents l'électricité de base, essentiellement d'origine nucléaire, à un prix supérieur au "prix interne" qu'elle réserverait à ses propres clients". Selon lui, le prix de revient du nucléaire ressort à 32 euros le MWh alors que le prix de gros se situe autour de 50 euros le MWh.

Le Conseil de concurrence estime que "la faible visibilité" sur l'évolution des prix et sur la disponibilité des quantités d'énergie "ne permettent pas d'assurer aux fournisseurs alternatifs un approvisionnement suffisant pour construire une offre commerciale crédible et démarcher des clients pour concurrencer EDF, compte tenu notamment de l'existence et du niveau actuel des tarifs réglementés". En attendant le cadre général, il a demandé à EDF de négocier de bonne foi avec Direct Energie "un contrat transitoire d'approvisionnement en gros, d'une durée d'au moins un an, à un prix reflétant ses coûts complets de production".

EDF a annoncé qu'il formaliserait des propositions pour des offres de gros en direction de ses concurrents. Une porte-parole a indiqué que le groupe ouvrirait des négociations avec Direct Energie en vue de la signature d'"un contrat transitoire d'un an pour l'approvisionnement en gros à un prix reflétant les coûts complets de production d'EDF". Direct Energie a expliqué que, de fait, sa stratégie commerciale ne serait mise en oeuvre qu'en septembre prochain. Les clients particuliers pourront toutefois souscrire au 1er juillet, date d'ouverture totale du marché à la concurrence, aux offres actuelles et bénéficieront automatiquement des nouvelles formules dès leur lancement, a-t-il précisé dans un communiqué.

"Direct Energie s'engagera, auprès de ses clients actuels et futurs, à pratiquer dans la durée des prix inférieurs aux tarifs d'EDF", a souligné le fournisseur sans donner de chiffres. "L'ouverture du marché était juridique, elle devient économique", a commenté auprès de l'agence Reuter Fabien Choné, directeur général. Il a expliqué que le groupe pouvait se permettre de perdre de l'argent sur ses offres au 1er juillet, du fait de l'assurance qu'il y aura une baisse des tarifs de gros.

A partir du 1er juillet, quelle sera l'attitude des particuliers face à cette libéralisation du secteur ? La Confédération syndicale des familles (CSF) a en tout cas recommandé ce jeudi aux consommateurs de "ne surtout rien faire" et de ne pas changer de contrat dans le cadre de l'ouverture des marchés de l'énergie à la concurrence le 1er juillet, au risque de voir leur facture grimper. Car "si le consommateur opte pour une offre libre ou de marché, plus chère à long terme, il quittera pour toujours les tarifs réglementés", a précisé le secrétaire général de la CSF François Edouard.

Par ailleurs, le choix des tarifs réglementés est "lié au logement" et non "à la personne", a-t-il déploré. S'il déménage dans un logement précédemment occupé, le consommateur ne pourra bénéficier d'une offre au tarif réglementé si l'occupant précédent avait abandonné les tarifs réglementés pour souscrire une offre de marché dans ce même logement. S'il emménage dans un logement neuf ou dans un logement qui n'a jamais été raccordé à l'électricité et au gaz, il peut choisir une offre au tarif réglementé jusqu'au 30 juin 2010 pour l'électricité, mais il est en revanche obligé de souscrire à une offre de marché pour le gaz naturel. La CSF demande dès lors "au gouvernement de déposer un projet de loi permettant la réversibilité, c'est-à-dire la possibilité d'un retour aux tarifs réglementés pour les consommateurs qui le souhaitent".

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.