Histoires de théâtre

On peut aussi retrouver des grandes figures de la scène dans des livres. Avant cette période de vacances, l'édition est riche. Sélection de ces histoires qui racontent le théâtre. Et plus.

Juillet, les débuts de l'été, le théâtre fleurit un peu partout sur les scènes européennes. Venise et son 39è festival international de théâtre (jusqu'au 29 juillet) célèbre, dans le cadre de la Biennale, Ariane Mnouchkine pour l'ensemble de sa carrière (elle est aussi au festival d'Avignon avec sa saga "Les Ephémères"). Paris et son 18è festival "Quartier d'été" accueille entre danse, musique et cirque, une pièce de la compagnie australienne Back to Back (2-4 août au Forum des Halles) alors que le Théâtre de Paris met à l'affiche "Un fil à la patte" de Feydeau. A Vallauris (Alpes-Maritimes), le festival Jean Marais propose notamment Michel Bouquet dans "L'Avare". A Figeac dans le Lot (jusqu'au 4 août), les Tréteaux de France créent rien moins qu' "Un rêve de théâtre". Quant à Alba-la-Romaine (Ardèche) on trouve à l'affiche Yann-Joël Collin pour un "Dom Juan" et Christian Schiaretti qui met en scène "Les Visionnaires" (24-26 juillet). On peut aussi retrouver des grandes figures de la scène dans des livres. Avant cette période de vacances, l'édition est riche. Sélection de ces histoires qui racontent le théâtre. Et plus.

Enfants de Duchamp Marcel
La première et dernière page de couverture de ce beau livre, parce que fortement illustré, donne déjà du sens au titre "L'Art Tangent". Derrière une grenouille verte la gueule ouverte se tient bien raide et les yeux au ciel une espèce de jeune poulet encore jaune poussin aux bouts d'ailes gantés de couleur rouge rouge. Il y a du plaisir "tangentiel" entre les deux bêtes (le titre officiel de l'oeuvre est simplement "Le Poulet et la Grenouille 2003. "Rapprochement d'objet"). En 4è de couverture, deux verres sur un plateau, l'un et l'autre laissent respectivement apparaître les formes d'un homme et d'une femme en maillot de bain ... prêts à être dégustés. Le titre : "Adam et Eve en mayo". 1969 de Duchamp Duchamp avec mayo, aneth, moutarde, ketchup... L'art tangent prend déjà forme. Les auteurs du livre, disciples non disciplinés de Marcel Duchamp (et donc de Duchamp Duchamp) sont aussi créateurs du groupe 'A. Pophtegme'. Odile Darbelley et Michel Jacquelin savent être metteurs en scène (ils présentaient récemment au Théâtre de la Cité Internationale à Paris "Tout le bonheur est à l'intérieur", une variation sérieusement déjantée pour "une télévision d'art et d'essai") tout autant que comédiens, scénographes, musiciens... Entre expositions et performance, ils piochent goulûment dans les courants de l'art contemporain.
Leur livre est irracontable avec des textes à la fois savants et drôles dans lesquels ils n'hésitent pas à développer leur pensée sur une création. Il ne faut pas négliger le texte de l'introduction avec notamment ce passage "Si l'inutilité apparente d'une oeuvre tangente est exactement proportionnelle à la porté de sa trajectoire, il vaut mieux partir du point d'impact (la réception de l'oeuvre), plutôt que de s'intéresser à son décollage (le point de départ). Le point de tangence se découvre a posteriori".... Suit cet "Avertissement/Parti pris/Mode d'emploi" à lire obligatoirement, complété d'un questionnaire des plus explicatifs sur l'art tangent et une évaluation de vos réponses qui sert de guide sur les modes possibles de lecture. Une méthode efficace parce que "Les oeuvres tangentes, c'est comme les champignons, quand tu ne les connais pas, tu ne les vois pas". Evident, non ?

"L'Art tangent" chez Actes Sud, 206 pages, 24 euros.

Lagarce, l'enquête
Pour retrouver et reconstruire la vie de l'écrivain/dramaturge et aussi metteur en scène/acteur Jean-Luc Lagarce, mort du sida le 14 février 1995, Jean-Pierre Thibaudat qui fut journaliste à Libération, notamment responsable de la rubrique théâtre, commence son livre par les dernières heures de l'artiste, l'un de nos meilleurs auteurs de cette fin du XXè siècle. Un peu comme dans ces films biographiques - les biopics - qui sont de plus en plus prisés. Jean-Luc Lagarce avait juste 38 ans. Un mois plus tôt, il mettait en scène "La Cagnotte" de Labiche au théâtre de La Coursive à La Rochelle et préparait son prochain spectacle, "Lulu" de Wedekind. Malgré le poison du sida, il ne cesse d'écrire dans ses carnets.
En ces derniers jours de 1995, il ne va pas voir ses acteurs de "La Cagnotte" en tournée. Il souffre trop. Il appelle son grand ami et comédien François Berreur (le capitaine des pompiers dans la formidable version Lagarce de "La Cantatrice chauve" (à voir en DVD chez Arte Vidéo) qui le conduit à l'hôpital où il mourra. Lagarce avait tout prévu pour son enterrement. Dans son testament rédigé avec l'aide de la compagne de François Berreur, on apprend qu'il ne voulait laisser aucune trace, que poussière. Mais reste l'oeuvre qui, elle, n'en finit pas d'être reprise. Thibaudat retrouve alors les détails et nombreuses aventures de la vie de ce Franc-comtois plein d'humour, sa compagnie La Roulotte, ses rencontres notamment avec Lucien Attoun, l'inventeur de Théâtre ouvert en 1971 grâce à Jean Vilar, et sa femme Micheline, etc. S'il interpelle trop par le tutoiement l'écrivain, Thibaudat nous montre un Lagarce drôle (son voyage entre Besançon et Avignon en train couchette en 1989), un homme aussi "de la disparition", jusqu'au bout. Il reste inconnu au Père Lachaise à Paris, ses cendres dans un casier anonyme. Une vie comme un roman.

"Le roman de Jena-Luc Lagarce". Les Solitaires Intempestifs, 400 pages, 24 euros.

Avignon, le festival en ligne de mire
Les 60 ans du festival de la Cité des Papes ne passent pas inaperçu. Tant sur place, de part et d'autre des remparts, avec nombre de spectacles, que dans l'édition avec plusieurs livres retrouvant l'histoire et les conséquences de la naissance en 1947 d'une manifestation qui a bouleversé la notion même de festival pour les spectacles vivants.
Nous n'avons pas lu cette "Histoire du Festival d'Avignon" (Gallimard) du journaliste et universitaire Antoine de Baecque et de l'historienne Emmanuelle Loyer, ni celui d'un autre journaliste, Bruno Tackels, "Les Voix d'Avignon (1947-2007)" sous-titré "Soixante ans d'archives, lettres, documents inédits". En revanche, il en est un qu'on lit avec plaisir parce que non seulement il retrouve l'histoire du festival sans fioriture mais aussi parce qu'il l'a faite en partie pour avoir en été par deux fois (1980-1984 et 1993-2003) le directeur, c'est "Avignon vu du pont". Bernard Faivre d'Arcier, témoin de sa propre histoire (notamment ses relations souvent difficiles avec la municipalité comme en 1983, ou l'intervention des intermittents en 2003), il s'inscrit aussi dans les parcours des autres directeurs (Vilar le fondateur, 1968 et après ; la décennie Paul Puaux et les nouvelles esthétiques des années 70, Alain Crombecque...). Mais on devine chez lui, comme chez d'autres professionnels du spectacle vivant, que l'avenir du festival est loin d'être esquissé.

"Avignon, vue du pont. 60 ans de festival". Actes Sud, 238 pages (100 illustrations), 27 euros.


A lire aussi
"Au-delà des larmes" de Claude Régy. Les Solitaires Intempestifs (144 p., 13,50 euros). L'exigence du metteur en scène s'affirme ici, dans ce texte, avec de plus en plus de force pour un théâtre qui creuse au plus profond de l'intime. "Il doit dire ce qu'il y a de plus obscur dans l'être humain".
"Théâtre en présence" de Joël Pommerat. Actes Sud-Papiers (56 p., 6 euros). Pommerat, auteur et metteur en scène, affirme ici de plus en plus son originalité, sa personnalité.
"Giorgio Strehler", Actes Sud-Papiers (collection "Mettre en scène", 144 p., 12 euros). Ce sont des textes d'entretiens choisis par l'assistante du metteur en scène italien mort il y a dix ans. Incontournable, le fondateur en 1947 de ce qui allait devenir le célèbre Piccolo Teatro de Milan.

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