L'affaire Battisti s'invite dans la campagne

Le ministre de l'Intérieur et candidat de l'UMP a justifié la collaboration entre les polices française et brésilienne qui a permis l'arrestation du fugitif italien au Brésil. Des voix s'élèvent à gauche pour contester sa possible extradition.

Une semaine avant son départ de la place Beauvau, Nicolas Sarkozy a assumé pleinement l'arrestation de l'ex-activiste d'extrême-gauche Cesare Battisti au Brésil, intervenue grâce à une collaboration entre les polices française et brésilienne, alors qu'un début de polémique se fait jour entre les défenseurs de l'Italien et ses contempteurs.

"C'est Interpol qui fait obligation aux différentes polices à travers le monde de donner des renseignements quand nous en avons, sur des gens qui sont recherchés", a déclaré le ministre de l'Intérieur dimanche soir, au cours de l'émission France Europe Express. "La police française collabore avec les autres polices du monde (...). A partir du moment où il y a un mandat lancé par la justice italienne, il est tout à fait normal que la police française collabore", a ajouté le ministre-candidat.

En cavale depuis août 2004 en France, après avoir longtemps bénéficié d'une protection des autorités françaises à l'initiative du président Mitterrand, l'ex-activiste et écrivain Battisti, 52 ans, risque d'être extradé vers la France ou l'Italie où il a été condamné à la réclusion à perpétuité pour quatre meurtres. Nicolas Sarkozy a précisé que le fugitif était "poursuivi par une justice d'un Etat démocratique et européen, l'Italie". Une précision qui s'adresse aux défenseurs de Battisti qui ont souvent argué du fait que le fugitif n'aurait pas bénéficié, en Italie, d'une justice équitable. Un argument qui sera encore plus difficile à soutenir désormais alors que l'Italie est dirigée par un gouvernement de gauche, qui s'est de son côté félicité de l'arrestation de Battisti.

Manuel Valls, député-maire socialiste d'Evry (Essonne), a d'ailleurs souhaité dimanche que l'ex-activiste italien d'extrême-gauche Cesare Battisti "réponde devant la justice italienne". Dans un communiqué, Manuel Valls "s'est félicité" de l'arrestation de Battisti et a fait valoir que "l'Italie est une grande démocratie européenne, surtout depuis qu'elle est gouvernée par Romano Prodi, et qu'il est nécessaire de respecter la décision de cet Etat de droit". Le député PS a indiqué "rejeter toute forme d'attachement à un pseudo-romantisme révolutionnaire, ainsi que toute forme de complaisance vis-à-vis d'un terroriste, quel qu'il soit".

En revanche, un des soutiens de Cesare Battisti, l'écrivain et journaliste Gilles Perrault, a qualifié dimanche son arrestation de "sarkozienne, tout à fait dans la manière de notre ministre de l'Intérieur et candidat". "C'est une arrestation électorale et même électoraliste", selon lui.

Les Verts ont, pour leur part, vu dans l'arrestation de Battisti "un signe avant-coureur inquiétant de ce que Nicolas Sarkozy ferait s'il était élu président". Noël Mamère a même accusé lundi Nicolas Sarkozy de "s'être offert la tête de Battisti sur l'autel électoral". Selon le député de la Gironde, Nicolas Sarkozy "savait depuis très longtemps où se trouvait Cesare Battisti et il a fait encore un coup électoral".

De son côté, le maire de Paris, Bertrand Delanoë (PS) a demandé lundi "le respect du droit et de la parole donnée par la France", après l'arrestation de Battisti. Le maire de Paris a affirmé n'avoir "aucune indulgence" pour les crimes reprochés à Battisti qui, a-t-il rappelé, "a participé à des mouvements d'extrême-gauche" mais "conteste les crimes qui lui sont reprochés". Mais "tout le monde s'accorde à dire que le procès qui lui a été fait en Italie a été assez bâclé (...) Le procès qui a dit qu'il était coupable est extrêmement contesté", a-t-il poursuivi. Par ailleurs, "la France (en fait, François Mitterrand, NDLR) a donné sa parole pour tous ceux qui renonçaient à ce passé violent de les accueillir", a-t-il ajouté.

Dans un livre très documenté ("Génération Battisti - Ils ne voulaient pas savoir", éditions Plon) et préfacé par l'ambassadeur de France Gilles Martinet, aujourd'hui décédé, le journaliste Guillaume Perrault a bien expliqué les ressorts de la mobilisation politique (François Hollande, Bertrand Delanoë, ...) et intellectuelle (Bernard-Henri Lévy, Fred Vargas, ...) qui s'est organisée en février 2004 quand la police française, sous le gouvernement Raffarin, a interpellé Battisti, mettant ainsi fin à l'impunité dont il bénéficiait dans l'Hexagone.

Les défenseurs de Battisti avaient à l'époque fait de lui un héros et un combattant de la liberté. Mais, surtout, explique Guillaume Perrault, Battisti avait bénéficié d'une solidarité de classe d'âge de la part de la "génération mai 1968" qui s'est désormais installée aux commandes dans les milieux intellectuels, médiatiques et politiques.

La polémique, qui avait suivi l'arrestation puis la cavale de Battisti, ne demande qu'à redémarrer aujourd'hui, en pleine campagne présidentielle.

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