Les gagnants et les perdants de la crise du Subprime

Deuxième partie : les perdants

Bien qu'elles aient une exposition directe limitée aux crédits hypothécaires américains à risque, les banques françaises payent un lourd tribut à la crise actuelle. Elles ont déjà perdu entre 16% et 25% en Bourse (CAC40) entre leur plus haut niveau de l'année et aujourd'hui... Une étude d'UBS prédit une baisse des revenus des activités de la "BFI" de la Société Générale et de BNP Paribas de 25% à 30% entre le premier et le second semestre 2007.
En attendant les prochains résultats trimestriels, voici notre anticipation sur les professions pour qui le subprime pourrait rimer avec chômage...

Acteurs du marché du crédit : Traders, Structureurs et Quants :

La crise du subprime a contaminé le marché du crédit, avec des investisseurs beaucoup plus prudents que par le passé, demandant des primes de risques de plus en plus élevées sur l'ensemble des obligations européennes. Les analystes sont particulièrement inquiets des résultats des activités trading. Selon le Financial News, Deutsche Bank est déjà en train de mettre de l'ordre dans une de ses salles de marché à Londres, après avoir accusé une perte de 100 millions d'euros. Si la crise se poursuit, les structureurs et les quants en feront aussi les frais. D'aucuns estiment que les quants en charge de modèles incapables d'anticiper de telles pertes seront sur la touche ou verront, à tout le moins, leur rémunération, quelquefois extravagante, revue à la baisse.

Les banquiers M&A :

La soudaine dégradation du marché du crédit et la chute des marchés boursiers ont donné un coup de frein au marché des fusions-acquisitions (M&A), qui a totalisé en août 178,6 milliards de dollars d'opérations dans le monde, selon Thomson Financial. Son niveau le plus bas depuis juillet 2005. En Europe, le recul a été plus brutal encore avec 55,3 milliards de rachats, contre 104 milliards un an plus tôt. Les banquiers M&A qui croulaient sous le travail depuis des mois et s'affairaient encore avant l'été sont aujourd'hui en vacances forcées.

Les spécialistes du "leverage Finance" :

Ce sont évidemment les spécialistes des opérations à effet de levier ("Leveraged buy-out" ou LBO) qui sont les plus fragilisés. Les offres faites par des fonds d'investissement avec recours à l'endettement (LBO) ont quasiment disparu en août. De nombreuses offres engagées avant la crise ont été mises en attente, faute de trouver des financements. Selon Thomson Financial, 329 LBO représentant 427 milliards de dollars seraient dans ce cas. Les spécialistes de la dette LBO se réveillent avec la "gueule de bois" après deux ans d'euphorie complète ! Le cauchemar est-il seulement terminé ? La firme américaine spécialisée Carlyle, qui vient de lever un nouveau fonds de 5,35 milliards d'euros pour faire des LBO en Europe, semble en tout cas ne pas connaître la crise.

Les professionnels de la titrisation :

Au 30 juin dernier, les produits du type CDO ("collaterized debt obligations") fournissaient 61% des financements LBO, selon Standard & Poor's, cité par Les Echos. Actuellement, un certain nombre d'opérations réalisées avant l'été nécessitent l'intervention des syndicateurs, chargés de fractionner la dette (au total 300 milliards d'ici à la fin de l'année!) et d'en vendre les parts. Ces véhicules de titrisation de portefeuille de prêts étaient jusque-là particulièrement appréciés. Mais leur goût prononcé pour les prêts immobiliers aura eu raison de leur succès. Aujourd'hui, les preneurs ne courent pas les rues. "Les volumes de vente de CDO ont été divisés par 5 entre juin et juillet aux Etats-Unis", selon Les Echos. De même les opérations ABS (Assets Backed Securities) connaissent un réel ralentissement, avec des émetteurs qui préfèrent repousser les émissions et attendre de meilleures conditions de marché.

Hedge funds managers :

Les fonds spéculatifs paient aujourd'hui les conséquences de leur audace. Selon HFR, les hedge funds ont reculé en moyenne de 3,05% en août, après une baisse de 0,93% en juillet. Rien de très spectaculaire. Pourtant faillites et pertes colossales sont actuellement au menu. Le hedge fund français Capital Fund Management (CFM), réputé pour son professionnalisme, a ainsi été récemment secoué par la tempête boursière. Même ceux qui n'ont pas trempé dans les eaux troubles du marché du subprime américain passent un mauvais moment. Fin du rendement à deux chiffres dit, au mieux, baisse des rémunérations. Outre-Atlantique, John Devaney, fondateur de United Capital Markets, lui, a déjà mis son yacht et son hélicoptère en vente. Toutefois, le savoir-faire de ces managers pour tirer parti de tendances baissières pourrait bien signifier qu'ils n'ont pas encore dit leur dernier mot.

Prime brokers :

La crise appelle les banques à la prudence. L'aversion soudaine au risque amène les primes brokers - les professionnels des salles de marchés des banques d'investissement qui offrent un service personnalisé aux hedge funds - à réfléchir aujourd'hui à deux fois avant de prêter de l'argent à ces derniers. Del à ce qu'ils se retrouvent à se tourner les pouces et compter les pertes essuyées par leurs clients, il y a encore une marge. On est encore loin d'un scénario catastrophe. Sam Molinaro, directeur financier de Bear Stearns a confié à l'hebdomadaire Financial News qu'il n'avait aucune intention de remettre en question le plan d'expansion du business prime brokerage en Europe. Alan Johnson, un expert reconnu à Wall Street sur les questions de salaire prédit une hausse de 15% des revenus de ces professionnels. La messe n'est pas dite.

Les spécialistes du subprime :

Dire que les professionnels qui sont, d'une manière ou d'une autre, engagés sur le marché des crédits hypothécaires américains sont en train d'avoir des sueurs froides est un euphémisme. First Magnus Financial, Accredited Home Lenders, Quality Home, Amstar... ces sociétés américaines de crédit hypothécaires ont toutes été touchées de plein fouet. Faillite ou suspension de certaines activités, le résultat est le même : suppression d'emplois à la clé. La crise aurait entraîné la faillite ou la fermeture de plus de 84 sociétés du secteur, selon le site spécialisé mortgagedaily.com. De grandes banques, à l'instar d'HSBC, Lehman Brothers et Bear Stearns, ont annoncé des licenciements, respectivement 600, 1.200 et 100. Au total, depuis le début de l'année, ce sont 90.000 emplois qui ont été supprimés au sein des établissements financiers américains, selon L'agefi. Pour l'heure, toutefois, la saignée n'a lieu seulement que de l'autre côté de l'Atlantique...

Ces prochaines semaines seront déterminantes pour prendre la réelle mesure de l'impact de la crise sur l'emploi et les salaires en finance. Pour l'heure, la situation est loin de prendre la tournure dramatique des évènements aux Etats-Unis ou en Allemagne. Une chose est sûre : l'euphorie de l'embauche de ces derniers mois est bel et bien terminée. Les expectations sur les prochains bonus risquent également d'être déçues. L'attentisme est de rigueur chez les RH. Les secteurs cités ci-dessus sont sur la brèche.

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