Alexandre Rodtchenko, photographe révolutionnaire

Le musée d'art moderne de la ville de Paris présente une gigantesque rétrospective consacrée au photographe Alexandre Rodtchenko. Une plongée vertigineuse au coeur de l'URSS.

Moscou 1933. Le photographe Alexandre Rodtchenko se sait dans le collimateur des sbires de Staline. Alors il accepte d'aller photographier la construction du canal reliant la mer Blanche à la Baltique, que construisent des prisonniers politiques. Le reportage se révèle terrifiant. Loin de vanter la grandeur du communisme, ces tirages témoignent au contraire de l'horreur du régime. Terrassés par la fatigue, le visage fermé, brandissant sans conviction des banderole à la gloire du pays, les ouvriers y apparaissent dans toute l'horreur de leur condition d'esclaves.

Cette série, jamais présentée en France, est l'un des temps forts de la rétrospective inégale consacrée au photographe au Musée d'art moderne de la ville de Paris. Pour l'occasion, on a rassemblé plus de 300 tirages, mais aussi des livres, des tableaux et des sculptures de jeunesse. Présentés dans un ordre chrono-thématique, tous déroulent (trop) sagement la carrière de Rodtchenko. Et permettent au public de découvrir des photos inédites et de retrouver ses plus belles icônes. Tel ce portrait strié par l'ombre des escaliers, d'une mère portant son enfant dans ses bras.

La révolution ? Alexandre Rodchenko (1891-1956) y avait beaucoup cru. Etudiant en art, il se lie dès 1916 avec des artistes d'avant-garde comme Kandinsky ou Malevitch, et fréquente surtout le poète Vladimir Maïakovski. Persuadé que l'art peut changer le monde, il abandonne la peinture pour le photomontage en 1921, découpant différentes images dans les magazines pour les assembler ensuite, afin d'illustrer un poème de son ami ou de chanter la gloire de la révolution d'octobre. Il faut cependant attendre 1924 pour voir Rodchenko utiliser ses propres images.

L'artiste cherche alors un langage novateur. Il élabore des vues vertigineuses en contre-plongée, traque les lignes géométriques pour composer ses photos, joue sur la lumière pour révéler des détails. Mais Rodtchenko a beau forger l'iconographie révolutionnaire de l'URSS, chanter les louanges des sportifs défilant sur la Place Rouge à coup de vues dynamiques, on lui reproche pourtant de se complaire dans une photographie bourgeoise. Le photographe se réfugie alors dans des paysages pictorialistes d'un autre âge. Confirmant ainsi qu'il a perdu la foi en cette révolution à laquelle il croyait tant.


Rodtchenko photographe : la révolution dans l'oeil. Musée d'art moderne de la ville de Paris, 11 av. du Président Wilson, 75016 Paris. Tel : 3975. Jusqu'au 16 septembre. A lire : Rodtchenko, Hors Série Connaissance des Arts, 8 euros.

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