Castorf taille un nouveau costume à Wagner

L'activiste inventeur du chaos permanent sur une scène de théâtre, l'Allemand Frank Castorf, présente à Chaillot "Meistersinger". Une adaptation explosive des "Maîtres chanteurs" de Richard Wagner.

Attention, Frank Castorf est de retour à Paris. Castorf, né en 1951, est le patron du célèbre théâtre de Berlin, la Volksbühne, et un metteur en scène qui ne laisse jamais indifférent. Ses adaptations théâtrales très personnelles de textes qui interrogent le monde, comme "Crime et Châtiment" et "L'idiot" de Dostoïevski, "Le Maître et Marguerite" de Boulgakov, "Les mains sales" de Sartre et encore des oeuvres de Tennessee Williams ou de Döblin, ont laissé des traces dans la mémoire des spectateurs qui les ont vues ces dernières années à Paris, à Chaillot ou à Bobigny. On peut le trouver 'trash' mais c'est plutôt le terme d'activiste inventeur de chaos permanent sur une scène qui le définit le mieux.

Castorf revient donc à Chaillot avec "Meistersinger", une adaptation de l'opéra de Richard Wagner, "Les Maîtres chanteurs de Nuremberg", le seul vraiment joyeux et entraînant du compositeur. Faut-il rappeler que cet opéra fut le préféré d'Hitler? Mais ici, le metteur en scène charcute le livret pour à la fois le réduire tout en ajoutant des éléments de la pièce d'Ernst Toller "Masse Mensch" qui date de 1919, lendemain de 1ère Guerre mondiale perdue. Et pas question d'un orchestre au complet dans la fosse. Il faut oublier Bayreuth.

La méthode Castorf, c'est la vitesse avec toutes les collisions et explosions qu'elle peut provoquer dans des entrées-sorties incessantes. C'est donc un jaillissement de passions comme de haines, de désirs comme de dégoûts, accompagné par seulement deux pianos, un synthé et quelques instruments à vent (hautbois, saxo, basson, trompette, clarinette, cor anglais, cornet à pistons).

Ajoutons que les quatre chanteurs lyriques mêlés aux comédiens et le choeur du personnel du théâtre de la Volksbühne (les chorales sont traditionnellement nombreuses dans les entreprises allemandes) sont habillés et 'scénographiés' par l'un des artistes parmi les plus délirants et iconoclaste de la jeune génération, Jonathan Meese. Autant dire qu'il se passe toujours quelque chose sur la scène pour les yeux comme pour les oreilles.

Retenons quelques mots de Frank Castorf parmi d'autres (1): "Si le théâtre n'est pas un peu méchant, s'il ne contrecarre pas les poses d'autosatisfaction des politiciens, alors pour moi, il perd tout son sens". Et encore: "J'aimerais utiliser les contradictions pour bien divertir. Shakespeare le faisait merveilleusement."


"Meistersinger", les 10-11 et 12 janvier au Théâtre de Chaillot à Paris. En allemand surtitré. Tél: 01 53 65 30 00.

(1) Dans la galerie de la rue Condé (75006) de l'Institut Goethe-Paris, une exposition de documents photos, vidéos, affiches et textes donne à voir des éléments du travail de Frank Castorf. Un vrai portrait. Du 10 janvier au 10 février. Tél: 01 40 46 69 00.
Un colloque sur le "théâtre en Europe" réunira F. Castorf et le Français Olivier Py (le nouveau directeur du théâtre de l'Odéon à Paris) au Centre Pompidou le 17 février à 15h30.

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