Un Sade jouissif

Cette "Philosophie dans le boudoir" du Marquis de Sade mise en scène par Christine Letailleur au Théâtre de Gennevilliers est un superbe tourbillon d'appels à la liberté. Sexe et politique à tous les étages. En tout bien tout honneur.

Une partie de plaisir(s). Un jeu délicieux de cache-cache. Des phrases qui fouettent comme des verges. Un tourbillon de bons mots qui s'entendent politiquement turgescents... En adaptant et en mettant en scène "La Philosophie dans le boudoir" du Marquis de Sade, sous-titré "Les instituteurs immoraux", Christine Letailleur s'est bien gardé de tomber dans le piège du licencieux illustré un peu lourd et dans le voyeurisme aguicheur. Son spectacle, véritable manège à faire tourner les têtes, créé au TNB à Rennes, est d'une légèreté grandiose renvoyant nos constipations contemporaines aux calendes grecques.

Cette philosophie, c'est d'abord le prétexte profondément libertin de l'auteur à mettre les points sur les i des plaisirs du corps et des jouissances de l'esprit. Sa Madame de Saint-Ange s'est tellement "faite mettre" par des milliers d'individus qu'elle possède un savoir exceptionnel. Elle doit le transmettre.

L'occasion arrive sur un plateau. Une de ses amies, Mme de Mistival, femme dévote, souhaite lui confier sa fille Eugénie afin qu'elle reçoive la meilleure des éducations possibles. Bien lui en prend puisque la maîtresse de maison possède les meilleurs instituteurs qui soient, son frère le Chevalier de Mirvel, et Dolmancé, "un libertin des plus corrompus"! La jeune Saint-Ange va facilement comprendre comment monter au ciel avec tous ces gens du beau monde parmi lesquels viendra se glisser Augustin, le jardinier de Madame de Saint-Ange, "monté d'une manière prodigieuse".

La mise en scène joue du théâtre dans le théâtre. N'est-on pas à l'école? Des rideaux s'ouvrent et se ferment. Des plateaux tournent jusqu'à la folie. Le verbe est cru sans jamais être vulgaire. Le jeu des acteurs, d'une rare maîtrise, ne biaise rien. Et notamment, on se régale de la vigueur dominatrice de Valérie Lang (Madame de Saint-Ange) et des belles échappées de Stanislas Nordey (Dolmancé). Et puis, derrière cette propédeutique particulièrement efficace, il y a tous ces mots de Sade que l'on entend dans toutes leurs forces politiques. Comme des appels à la liberté. Aux libertés. Et ce "Français, encore un petit effort si vous voulez être républicains" tellement avant-gardiste. Ne ratez pas ce spectacle.


Jusqu'au 20 mai au Théâtre de Gennevilliers (92). Tél. : 01 41 32 26 26.

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