La réduction des intérêts d'emprunts : une mesure fiscale peu intéressante

Si les français sont toujours plus nombreux à acheter leur maison ou leur appartement, la déduction annoncée de 20% des intérêts des emprunts pour acheter votre résidence principale n'est peut-être pas aussi attirante que le taux affiché pourrait le laisser penser. C'est en tout cas le point de vue de Didier Coutton, docteur en sciences de gestion et professeur à l'Istec.

Les français sont plus nombreux à accéder à la propriété - 56,5% des ménages sont propriétaires en 2005 contre 52,1% en 1985 - et ils vivent plus confortablement - la surface moyenne est passée de 82 m² (pour 2,7 personnes par logement) en 1984 à 90 m² (pour 2,4 personnes) en 2002.

Mais si aujourd'hui la demande reste forte, elle n'a plus la capacité d'endettement nécessaire pour passer à l'acte. D'où le projet présidentiel de réduction ou de crédit d'impôt au titre des intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition de la résidence principale. Ce projet a aussi un autre objectif: réduire l'inégalité entre l'investissement locatif, qui offre une déduction des intérêts des revenus fonciers, et l'achat de la résidence principale, qui ne le permet pas.

Cette carotte fiscale risque non seulement de produire l'effet inverse à celui escompté, mais son intérêt financier ne sera guère plus intéressant que l'incitation fiscale appliquée jusqu'en 1997.

Cette mesure sera probablement peu efficace, car elle profitera plus aux vendeurs qu'aux acquéreurs. En effet, l'effet psychologique pourrait stimuler la demande, car les français adorent les niches fiscales. Les prix de l'immobilier vont donc au mieux stagner ou peut-être encore monter. Donc le gain fiscal sera effacé par la hausse des prix ou le ralentissement de la baisse engagée. Le gouvernement ne doit pas se tromper de cible. Ce ne sont pas les emprunts qui sont onéreux - les taux offerts sont historiquement faibles. Ce sont les prix de l'immobilier qui sont élevés. Rappelons qu'ils sont aujourd'hui deux fois plus élevés que ceux de mai 2000 et presque trois fois plus hauts que ceux de janvier 1997. Gardons aussi en mémoire que le marché actions n'a fait que doubler entre le début et la fin de la bulle Internet.

Au départ, l'ambition de cette mesure fiscale était de faire profiter tous les acquéreurs d'une réduction fiscale égale au montant des intérêts d'emprunt. Or, elle aurait coûté cher à l'Etat, car elle amputait l'impôt sur le revenu collecté de 5 à 10%. En effet, en 2004, 211 milliards d'euros (source Insee) ont été consacrés à l'acquisition d'un logement neuf ou ancien et aux travaux d'aménagement. Depuis, ce montant a encore progressé. En supposant que les acquéreurs empruntent chaque année 50% de ces 211 milliards d'euros sur une durée de 20 ans, les intérêts annuellement versés pendant les premières années s'élèveraient à environ 4 milliards d'euros alors que l'impôt sur le revenu pèse 60 milliards d'euros. Face à ce coût prohibitif pour les finances publiques, le gouvernement a décidé de durcir les conditions d'application en limitant la réduction d'impôt à 20% des intérêts versés plafonnés à 1.500 euros (plus 100 euros par personne à charge) pendant 5 ans.

C'est une déduction fiscale sensiblement meilleure que ce qui se pratiquait par le passé, mais néanmoins pas suffisante pour faciliter l'accès à la propriété.

Effectivement, jusqu'en 1997, un foyer de 4 personnes, qui empruntait 200.000 euros sur 20 ans à 4,5% pour un achat dans l'ancien, versait 8.300 euros d'intérêts par an pendant les cinq premières années. La réduction d'impôt auquel il pouvait prétendre était limitée à 25% d'un montant maximal de 2.287 euros (15.000 francs) d'intérêts, plus 305 euros (2.000 euros) par personne à charge et pendant les 5 premières années. L'économie d'impôt auquel il pouvait prétendre s'élevait à 725 euros par an, soit seulement 9% des intérêts versés et 2% du montant emprunté. Aujourd'hui, le même foyer obtiendra une réduction fiscale de 1.700 euros par an soit un peu plus de 4% du montant emprunté.

L'incitation fiscale, correspondant à une diminution de 4% du coût d'achat d'une résidence principale, n'est donc pas une raison suffisante pour se lancer dans l'acquisition d'un bien immobilier. En effet les prix stratosphériques sont une bonne raison... d'attendre une baisse, déjà amorcée aux Etats-Unis et dans des pays voisins.

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