Le Québec tourne le dos aux souverainistes

Les Libéraux ont remporté les élections législatives de justesse. Ils vont former un gouvernement minoritaire qui devra composer avec les autonomistes-populistes de l'Action démocratique pour le Québec (ADQ) tandis que les souverainistes du Parti Québécois encaissent une défaite historique?

"Un scrutin qui entre dans l'Histoire du Québec". La majorité des commentateurs sont formels : les législatives québécoises qui se sont tenues lundi 26 mars ont débouché sur un résultat inhabituel qui bouleverse l'échiquier politique local. En effet, c'est la première fois depuis 1878 que le Québec sera gouverné par un gouvernement minoritaire faute de majorité claire au parlement. Jusque-là, les gouvernements québécois disposaient de majorité fortes ce qui leur permettait d'aborder avec sérénité les négociations avec le gouvernement fédéral d'Ottawa.

Les résultats définitifs du scrutin témoignent de la déroute des deux formations traditionnelles que sont le Parti libéral du Québec (PLQ, libéral et fédéraliste) et le Parti Québécois (PQ, souverainiste). Le premier a réussi de justesse à se maintenir au pouvoir en gagnant 48 sièges (33,08% des suffrages) contre 76 en 2003 (35,4% des voix). Quant au second, il perd son second rang, qui lui offrait le statut "d'opposition officielle" avec 36 députés (28,32%) contre 45 en 2003 (28,7% des voix). Et, finalement, le grand vainqueur de ce scrutin général est l'Action démocratique du Québec (ADQ) qui rafle 41 sièges (30,80% des voix) contre à peine 4 en 2003 (26,8% des suffrages). Et c'est cette petite formation nationaliste de droite - dont le discours emprunte parfois des accents populistes voire xénophobes - qui devient l'opposition officielle au parlement québécois.

S'il est encore trop tôt pour tirer les conclusions de ces élections, il n'en demeure pas moins que quelques enseignements peuvent d'ores et déjà être tirés.


La déroute des souverainistes

La défaite historique du Parti québécois (c'est la pire performance électorale depuis 1970) risque de coûter sa tête à André Boisclair (40 ans), l'homme qui avait promis à ses militants d'organiser un nouveau référendum sur l'indépendance en cas de victoire. Bien qu'ayant assuré que son parti allait offrir une "opposition solide", il va devoir affronter la fronde de ses pairs, certains ténors souverainistes ne l'ayant jamais accepté à la tête du PQ. Plus grave encore, il semble bien que pour les Québécois, le thème de l'indépendance - qui avait alimenté quelques polémiques en France après les déclarations de Ségolène Royal à l'issue de sa rencontre avec Boisclair - passe désormais au second plan devant les questions sociales et économiques.

L'émergence inattendue de l'ADQ

L'Alliance démocratique du Québec, dirigée par Mario Dumont (36 ans) est favorable à une plus grande autonomie du Québec, mais ne souhaite pas que la Belle Province se sépare du Canada. Et plutôt que de faire campagne en se basant sur le clivage "fédéraliste - souverainistes", Dumont a délibérément axé son discours sur des thèmes conservateurs comme la famille et l'identité québécoise, un thème qui a beaucoup séduit dans le Québec "profond" contrairement aux zones urbaines où son influence reste limitée (il n'a obtenu aucun siège à Montréal). A ce sujet, les discussions passionnées à propos de "l'accommodement raisonnable", concessions mineures faites aux minorités comme par exemple le port du turban sikh dans les administrations, a beaucoup servi l'ADQ.
Dumont plaide aussi pour un système de santé "mixte", qui accorderait une plus grande place au privé, et pour un "dégraissage" de l'appareil d'Etat. Pour autant, de nombreux observateurs étaient dubitatifs quant à la capacité de ce parti de gouverner un jour. "Dumont avait du mal à trouver des candidats", explique un Québécois à La Tribune. "Désormais, avec des moyens financiers plus importants, il va peut-être attirer à lui des talents".


La tâche compliquée des Libéraux

Le premier ministre Jean Charest (48 ans), réélu de justesse, va devoir gouverner en négociant pied à pied avec son opposition. Les Québécois ont rendu un jugement sévère", a reconnu ce dernier, à qui une partie de l'électorat a reproché de ne pas avoir tenu toutes ses promesses en matière de réduction d'impôts et de soins de santé. Dans un contexte national marqué par le repli du parti libéral, la défaite relative de Charest confirme que le Canada penche actuellement vers la droite après plusieurs années de règne des libéraux.

Une bonne nouvelle pour le premier ministre canadien Stephan Harper

En janvier 2006, la victoire à l'échelle nationale des Conservateurs de Stephan Harper avait été rendue possible par leur percée au Québec. Depuis, le premier ministre canadien n'a cessé de multiplier les gestes à destination de la Belle Province, lui reconnaissant un statut - symbolique - de "Nation au sein du Canada". En tablant sur le fait que les électeurs de l'ADQ pourraient voter conservateur sur le plan national, Harper pourrait donc être tenté de convoquer des élections anticipées afin d'obtenir une majorité à la Chambre des communes fédérales où sa formation, minoritaire, est sous la menace permanente d'un vote de censure.

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