Le Premier ministre irakien, bouc émissaire idéal pour les Etats-Unis

"Incapable du moindre compromis", "sectaire et hostile à l'encontre des sunnites", "incapable de tirer profit de l'augmentation des troupes sur le terrain"... Le moins que l'on puisse dire, c'est que les mises en cause américaines à l'encontre du premier ministre irakien Nouri al-Maliki sont de plus en plus nombreuses. Et leur virulence est telle que les observateurs internationaux se demandent s'il ne va pas être lâché par ses alliés américains à moins d'un mois du très attendu rapport au Congrès sur l'évolution de la situation sécuritaire en Irak. Ainsi, pour le sénateur démocrate du Michigan Carl M. Levin qui préside le Comité des Armées, Nouri al-Maliki n'est plus l'homme de la situation en raison de son incapacité à faire l'unanimité au sein des différentes factions qui composaient, il y a quelques jours encore, sa majorité. De son côté, le président Bush a indiqué qu'il soutenait encore le Premier ministre mais qu'il appartenait aux Irakiens de choisir leurs dirigeants. Quand on sait qu'al-Maliki bat des records d'impopularité dans son pays, on devine à quel point le soutien, même répété, que lui accorde George W. Bush est ténu...De fait, l'un des principaux reproches adressé à al-Maliki, qui est de confession chiite, concerne son manque de souplesse vis-à-vis de la minorité sunnite dont Washington souhaite désormais qu'elle joue un plus grand rôle politique avec notamment la possibilité - il n'est jamais trop tard pour changer d'avis - pour des anciens dirigeants du Baas d'occuper des postes officiels. Il est vrai que la confusion est à son comble au sein du gouvernement irakien, avec plusieurs ministres qui ont récemment démissionné. Et cela sans compter le fait que de nombreuses factions chiites s'en prennent elles aussi à al-Maliki. Face à ces critiques, ce dernier est resté de marbre, qualifiant même les propos en provenance des Etats-Unis "d'irresponsables". En visite à Damas, al-Maliki a laissé entendre que la cabale à son encontre trouverait son origine dans ce déplacement qui contrarie quelque peu Washington. "Ces déclarations ne nous inquiètent pas beaucoup, a-t-il relevé. Ce qui nous préoccupe, c'est notre expérience démocratique et le respect de la Constitution. Nous trouverons à travers le monde de nombreux soutiens à nos efforts". En clair, le Premier ministre irakien rappelle à ses partenaires américains qu'il est le chef de gouvernement d'un pays souverain...Mais pour autant, une autre lecture est possible. La mise en cause d'al-Maliki pourrait préfigurer du contenu du rapport que David H. Petraeus, le chef du contingent américain en Irak, et David Crocker, ambassadeur des Etats-Unis dans ce pays, doivent présenter au Congrès à la mi-septembre. Les deux hommes doivent, entre autre, indiquer quel effet a eu l'augmentation des effectifs militaires décidée début 2007 par George W. Bush et qui a concerné près de 30.000 hommes supplémentaires.Le battage médiatique autour de l'incompétence du Premier ministre irakien, les attaques dont il fait l'objet, pourraient donc s'inscrire dans une stratégie destinée à préparer l'opinion publique américaine à un constat peu reluisant, même si Petraeus devrait insister sur l'amélioration relative du climat sécuritaire dans et autour de Bagdad. Certes, le "C'est la faute à al-Maliki" semblera une excuse bien maigre mais dans le contexte de la pré-campagne présidentielle, l'existence d'un bouc émissaire, irakien de surcroît, offrira un précieux répit à une classe politique américaine tétanisée par l'enjeu irakien et qui réalise jour après jour qu'il n'existe aucune solution immédiate satisfaisante, le retrait comme le maintien sur place des troupes étant tous les deux susceptibles d'aggraver le chaos ambiant.
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