Jour de massacre en Irak

Dans "Battle for Haditha", Nick Broomfield fait le récit détaillé de la tuerie qui a suivi un attentat contre les marines américains dans cette ville d'Irak contrôlée par la rébellion. S'appuyant sur les rapports d'enquête, il montre aussi bien les insurgés et les marines que les habitants, victimes innocentes des représailles aveugles. Edifiant.

19 novembre 2005, 7h15, une bombe artisanale explose au passage d'un convoi de marines américains, à Haditha, centre de la rébellion contre l'occupation américaine en Irak. Un caporal qui conduit l'un des quatre blindés est tué, deux autres soldats sont blessés. En représailles, 24 civils irakiens sont massacrés dont des femmes et des enfants. Les deux auteurs de l'attentat, eux, en sortent indemnes et s'enfuient dans la nature.

Connu pour ses documentaires (dont "Kurt et Courtney" sur la mort du chanteur de Nirvana), Nick Broomfield fait le récit détaillé de cette tuerie. Exposant de front les trois points de vue concernés (les marines, les terroristes et les civils impliqués malgré eux), son film n'est pas un documentaire à proprement parler. C'est plutôt une mise en perspective, une reconstitution d'un fait historique, avec ses tenants et ses aboutissants, son vécu avant, pendant et après.

Le film montre comme jamais la guerre sous un point de vue humain. Pour tous les détails, le réalisateur anglais s'appuie sur les rapports d'enquête successifs mettant en cause la version officielle donnée par l'état-major américain qui ne déplorait que 15 morts parmi les civils, présentés comme des victimes collatérales de l'explosion.

Grâce à un film tourné par un amateur et au témoignage d'une fillette, seule rescapée d'une famille de sept membres, la lumière s'est faite peu à peu sur l'étendue du massacre qui a suscité le scandale dans la presse américaine. A la suite de quoi, huit marines ont été mis en accusation et deux gradés doivent comparaître en cour martiale fin avril 2008.

Le film de Nick Broomfield a le grand mérite de faire la genèse la plus objective possible de cette affaire et de montrer Haditah, ville carrefour située entre Bagdad et la frontière syrienne, comme une vraie pétaudière où les Américains se sont fourvoyés. Dans cette ville stratégique se trouve l'installation hydro-électrique la plus importante du pays. Théâtre d'affrontements sanglants et récurrents, la ville est presque entièrement contrôlée par la rébellion.

Focus est mis d'abord sur l'armée américaine avec ses très jeunes recrues qui quittent pour la première fois leur pays et voient la guerre come un jeu, chauffées à blanc par des officiers irresponsables qui les incitent à considérer tout Irakien comme un ennemi.

Lumière ensuite sur les deux auteurs de l'attentat. Le plus âgé explique au plus jeune, excité par cette aventure, qu'il est un ancien soldat de base de l'armée de Saddam, congédié avec une compensation dérisoire. Plein de rancoeur contre les étrangers qui occupent son pays, il est lucide vis-à-vis des agents d'Al Qu'Aïda qui grouillent dans la ville et en qui il voit des fous. Cela ne l'empêche pas de se fournir auprès d'eux en matériel terroriste.

Eclairage enfin sur les civils du quartier où a lieu l'attentat, tout occupés à célébrer la fête de la circoncision d'un jeune garçon. Totalement inconscients du danger qu'ils encourent, ils ne commettent qu'un crime: être présents au mauvais moment dans une zone aussi sensible. Le va-et-vient entre ces trois groupes rythme cette fiction très réaliste, métaphore de tout le conflit irakien.

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