Terribles drames minuscules

L'auteur autrichien Thomas Bernhard était considéré comme scandaleux et provocateur par ses compatriotes. Ses courts récits pointent des gens qui ne contiennent pas leur racisme. Un trio d'acteurs du groupe tg.STAN théâtralise cinq des "Dramascules" de l'auteur. Un peu haché mais saignant.

C'est un sacré fouillis sur la scène du Théâtre de la Bastille (Paris). Des planches, une télé, des rangées de cintres, des panneaux ou encore des enseignes, le tout enchevêtré au milieu de ce qui ressemble à une piste de cirque sur laquelle un chapiteau va vite s'écrouler. Les comédiens du groupe belge tg.STAN, Jolente De Keersmaeker, Sara De Roo et Damiaan De Shrijver - des habitués du Festival d'Automne à Paris et du théâtre de la Bastille - s'engagent sans trop d'équilibre dans des changements de costumes avant de faire entendre des textes courts de Thomas Bernhard, l'auteur autrichien au verbe rageur mort en 1989 (*), dans un spectacle titré "'Sauve qui peut' pas mal comme titre".

Dans l'oeuvre du "scandaleux et provocateur" Bernhard - il dérangeait par ses invectives à l'encontre de ses compatriotes et de ses voisins allemands qu'il accusait de "contourner" leur passé nazi -, le trio belge a précisément choisi cinq "dramascules", ces chroniques ou drames minuscules de la vie ordinaire qui, sous des dialogues façon "le temps n'est plus comme avant" ou "l'voisin n'a pas d'chance", sont d'une méchanceté, d'un racisme ou d'un cynisme terrible.

Dans "Glaces, Un mort, Match, Acquittement, Le mois de Marie", récits repris ici par tg.STAN, Th. Bernhard appuie sur ce qui fait le terreau des peurs du monde: l'autre, cet étranger fondamental synonyme de danger. Que ce soit dans "Match" (pendant que son mari reste scotché devant la télé pour un match de foot, la femme s'engage dans un soliloque délirant bourré de peurs et de haine), dans "Le mois de Marie" (deux bigotes parlent près d'un cimetière où l'on enterre un M. Geissrathner mort dans un accident avec un cycliste turc...) ou encore dans "Un Mort" (deux femmes sortant de l'église croient voir un mort dans un rouleau de papiers jeté sur la bas-côté du chemin... en fait des affiches nazies égarées par le mari de l'une des deux pour une campagne politique !!).

Les trois comédiens ne manquent pas d'irrespect pour rendre la violence de la parole de Bernhard. Surtout quand, en fin de partie, ils font entendre la "Marche de Radetzky", célèbre marche de Johann Strauss "bissée" à chaque concert du nouvel an par les Viennois mais aussi symbole de la chute de l'empire austro-hongrois, dans le roman de Joseph Roth. Mais ils poussent parfois trop dans le détail et la rupture de jeu, encombrés qu'ils sont par le fatras qui les entoure, pour emporter une totale adhésion.


"'Sauve qui peut' pas mal comme titre" jusqu'au 20 janvier à Paris (01 43 57 42 14). A Toulouse (1-2 février) au théâtre Garonne, à Aix-en-Provence (4-5 février) au théâtre A. Vitez, à Lyon (du 11 au 15 février) au Point du Jour, à Strasbourg (13-14-15 mars) au Maillon et à Genève (du 17 au 21 mars) au théâtre St-Gervais.

(*) A lire le Quarto (Gallimard, 952 pages, 25 euros) titré "Récits 1971-1982" et riche de textes autobiographiques ("L'Origine", "Le Souffle"...) accompagnés d'un ensemble biographique remarquable, notamment un entretien avec André Müller.

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.