Pénibilité au travail : le patronat désespère les syndicats

La quinzième séance de négociation n'a pas permis aux partenaires sociaux de rapprocher leurs positions. Le Medef refuse d'accéder à la revendication des syndicats d'instaurer un système de départ en retraite anticipée pour les salariés ayant connu des conditions de travail pénible.

C'est peu de dire que la négociation interprofessionnelle sur la pénibilité au travail s'enlise. La quinzième séance plénière, mercredi, d'une négociation entamée il y a trois ans, a abouti une nouvelle fois à une impasse. Alors que les syndicats veulent obtenir la mise en place d'un système de départ en retraite anticipée pour les salariés ayant effectué des travaux pénibles pendant tout ou partie de leur carrière, le patronat campe sur son refus. Les syndicats parlent de "recul" de la négociation, certains accusant le patronat de jouer la montre en espérant obtenir que ce sujet soit traité lors du rendez-vous sur la réforme des retraites prévu au printemps.

Lors de la précédente réunion, les syndicats avaient été stupéfaits d'entendre le représentant de la délégation patronale, François-Xavier Clédat, qui remplace Denis Gautier-Sauvagnac, mis en examen dans l'affaire de l'argent occulte de l'UIMM, nier le lien entre pénibilité au travail et espérance de vie. Pourtant, toutes les études scientifiques montrent non seulement que les ouvriers vivent moins longtemps - entre cinq et sept ans de moins - que les cadres, mais leurs années de vie en mauvaise santé sont plus fréquentes que parmi les catégories socio-professionnelles supérieures (1).

Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, s'était dit "choqué" par l'attitude du négociateur patronal. Si bien que celui-ci a fait une mise au point mercredi. "Nous reconnaissons que la pénibilité a un impact sur certains salariés et nous avons proposé un dispositif pour en tenir compte", a déclaré François-Xavier Clédat. Pour autant, le nouveau texte patronal ne propose pas de dispositif de départ en retraite anticipée, mais seulement la possibilité d'un mi-temps en fin de carrière pour les salariés "cassés" par leur travail.

Sauf que, comme le souligne la CGT, les conditions d'accès à la proposition patronale sont tellement difficiles qu'"il faudra être le mouton à cinq pattes" pour pouvoir en bénéficier, car ce dispositif serait ouvert seulement aux salariés ayant accompli quarante années d'activité, dont trente ans d'exposition à des facteurs de pénibilité, et dix ans en cumulant trois des critères de pénibilité. Pour la CGT, qui propose une journée d'action le 4 mars pour exprimer sa "volonté de voir aboutir la négociation" sur la pénibilité au travail, les propositions patronales "frisent l'immoralité et l'irresponsabilité".

En outre, la proposition de mi-temps de fin carrière n'est pas financée par les entreprises, le patronat renvoyant à la solidarité nationale la rémunération de la période hors temps de travail. Pour le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, les propositions patronales de faire "travailler à mi-temps plus longtemps" ne sont "pas sérieuses". FO a de son côté dénoncé "la mauvaise volonté patronale" dans cette négociation, alors qu'"il y a urgence", puisque plus de 56% des salariés sont exposés à au moins une pénibilité physique dans leur emploi.

Patronat et syndicats se retrouveront le 4 mars pour une nouvelle séance de négociation.

(1) "La double peine des ouvriers, plus d'années d'incapactié au sein d'une vie plus courte", bulletin "Population et Sociétés" de janvier, publié par l'Institut national d'études démographiques (Ined).

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