Le très malin Warren Buffet

En proposant de réassurer pour 800 milliards de dollars d'obligations de collectivités locales américaines, le patron de Berkshire Hathaway s'est lancé dans une partie de poker avec une très bonne main. Il possède non seulement le capital nécessaire mais aussi l'appui des régulateurs.

Au cours des dernières années, Berkshire Hathaway a accumulé du capital, beaucoup de capital, à tel point que son patron Warren Buffet a avoué parfois avoir du mal à trouver de bons investissements. Or, la crise financière des "subprimes" et des CDOs vient de lui procurer une opportunité rare d'employer son capital sur un marché ou le couple risque/rentabilité peut lui apparaître excellent.

Sa proposition de réassurer pour 800 milliards de dollars d'obligations émises par les collectivités locales américaines est un véritable coup de bluff dans une partie de poker que Warren Buffet lance en présentant une main d'enfer : quinte flush !

En face, les trois assureurs monoline (MBIA, Ambac Financial et Financial Guaranty Insurance Co) n'ont que des broutilles et sont confrontés à des problèmes de contraction de capital. Ambac a tout de suite refusé estimant que la proposition de Warren Buffet conduit à scinder en deux son activité : d'un coté, le rehaussement de crédit d'obligations municipales, de l'autre, le rehaussement de crédit de produit structurés (obligations hypothécaires et surtout CDO).

Warren Buffet cherche a récupérer sous la coupe de Berkshire Hathaway la bonne activité, celle du rehaussement de crédit des obligations municipales, mais il n'entend pas le faire gratis. Au contraire, il a demandé aux trois rehausseurs que le transfert de risque s'accompagne d'un versement correspondant à 150% de la prime perçue pour assurer chaque crédit.

En clair, Warren Buffet dit : "je reprends vos risques mais vous me versez non seulement la prime que vous avez perçue mais aussi 50% supplémentaires". D'aucuns n'ont pas hésité à comparer la proposition de Warren Buffet à ce qu'aurait pu imaginer Don Corleone dans "Le parrain" : présenter une offre que la contrepartie n'est pas en mesure de refuser.

Certes, Ambac a dit non mais les régulateurs, dont Eric Dinallo, commissaire des assurances de l'Etat de New York, et Eliot Spitzer, procureur général du même Etat, penchent pour la solution de la scission : d'un coté les bons crédits, de l'autre les mauvais. Vendredi 15 février, FGIC, qui vient de perdre le rating AAA de l'agence Moody's, a indiqué qu'il travaillait de lui-même à une scission.

Les manoeuvres en cours visent à éviter qu'un déclin de rating des rehausseurs de crédit se répercute sur l'ensemble des obligations municipales. Ces dernières sont détenues par des fonds de pension ou des caisses de retraite dont le mandat de gestion spécifie qu'ils ne doivent investir que dans des effets de première catégorie, du triple A donc.

En cas de baisse de rating, ces fonds et caisses de retraite seraient forcés de vendre leurs obligations municipales, entraînant une double conséquence : une forte diminution des prix de ces obligations (plus importante que le prix implicite déterminé par la baisse du rating) et une forte remontée des taux d'intérêt donc un renchérissent du coût des ressources pour les collectivités locales américaines. Ajoutons qu'un tel événement aurait des répercussions néfastes sur l'ensemble des marchés du crédit.

Jusqu'à présent, les rehausseurs ont expliqué que leurs réserves étaient amplement suffisantes pour garantir les obligations municipales. La prime perçue pour un rehaussement de crédit est mise en réserve. Elle est reconnue comme chiffre d'affaires selon une table d'amortissement qui correspond à la durée de vie de l'obligation. Cette prime est calculée sur l'économie de taux d'intérêt réalisé par l'emprunteur en obtenant un rating triple A.

Au démarrage de l'activité, il y a vingt ans, les rehausseurs pratiquaient une répartition 50-50. Aujourd'hui, elle est plutôt de l'ordre de 80-20, voire de 90-10 en faveur des rehausseurs. Ceci pour des obligations dont le taux de défauts est minime (on parle de moins de 1%).

Face aux arguments des rehausseurs, Warren Buffet souligne que les pertes liés à l'assurance des CDOs amputeront les réserves et que les obligations municipales, bien que solides, souffriront de cette situation. Et Buffet de promettre qu'avec sa solution, les réserves seront bien employées à garantir le rating des collectivités locales américaines et non à combler les pertes des spéculations sur les crédits "subprime".

Il a mis cartes sur table et a donné une trentaine de jours aux rehausseurs pour donner suite à sa proposition. Il sait que chaque minute qui s'écoule met un peu plus de pression sur les rehausseurs.

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