Le loup de mer et la baleine

Dans "Capitaine Achab", Philippe Ramos s'inspire très librement du fameux roman d'aventures d'Herman Melville "Moby Dick". Le réalisateur invente un avant et un après à la carrière de l'homme des mers, de l'enfance mouvementée du petit orphelin lecteur de la Bible jusqu'à sa fin auprès de la baleine. Une trajectoire narrée en cinq épisodes avec des images d'une grande puissance visuelle.

Déjà dans son premier et précédent film "Adieu Pays", le jeune Philippe Ramos montrait un sens très personnel de la narration et du romanesque. Il le confirme avec ce deuxième opus, très librement inspiré du célèbre roman de Melville "Moby Dick" (1851) qu'il prolonge et transforme.

Depuis l'époque du cinéma muet, de nombreux cinéastes, et non des moindres - comme John Huston en 1956 - ont tenté avec plus ou moins de bonheur d'adapter au grand et au petit écran ce roman métaphysique insaisissable. Philippe Ramos, lui, contourne la difficulté en inventant un début et une fin à la carrière du capitaine Achab. Le personnage central du film n'est plus la baleine mais Achab, dont Ramos retrace la trajectoire singulière, de l'enfance jusqu'à l'accomplissement final 40 ans plus tard.

Construit en cinq parties, le film laisse tour à tour la parole à l'un des proches d'Achab, narrateurs en voix off qui font office de témoins de son aventure. Bien que tourné en France, le film évoque à merveille les grands espaces américains et la mythologie fondatrice des Etats-Unis que Philippe Ramos restitue à travers des images fortes et poétiques, composées comme des tableaux, au besoin en faisant appel aux techniques numériques.

Tout commence par la mort de la mère. Le petit Achab vit dans l'ombre de son père (formidable Jean-François Stévenin), chasseur de gibier et de femmes. On est loin de l'océan, dans une cabane au fond d'une forêt du Massachusetts, et le garçon livré à lui-même s'abîme dans la lecture de la Bible, s'imprégnant des histoires relatées dans l'Ancien testament. Dont celle de Jonas et la baleine.

A la mort du père, le jeune Achab passe sous la coupe de sa tante, vieille fille bigote nouvellement mariée à un dandy sadique (étonnant Philippe Katerine). Mais le garçon s'enfuit et, sur les grands chemins, s'enivre de liberté nouvellement conquise.

D'aventures en aventures, Achab finit par s'arrimer au bord de l'océan, dont il perçoit d'abord la rumeur, véritable révélation et début d'une vocation pour le garçon. Devenu adulte et capitaine de vaisseau baleiner, Achab (Denis Lavant, parfait pour ce rôle hors norme) échoue, blessé, sur l'île de Nantucket, amputé d'une jambe par la baleine blanche féroce nommée Moby Dick. L'homme blessé - au physique comme au mental - est recueilli et soigné par une veuve (Dominique Blanc) qui s'éprend de lui.

Mais on n'attache pas Achab. D'autant moins qu'il n'a qu'une idée en tête: se venger de la baleine, cette mystérieuse forme blanche qui irradie et qui le nargue du fond de l'océan. Aussi, la fin d'Achab n'est-elle pas accidentelle comme dans le roman mais un fin choisie, très clairement suicidaire.

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