Les marchés paniqués par la crise bancaire et le spectre de la récession

C'est l'affolement aujourd'hui sur les marchés, où le CAC perd près de 7%, imité par l'ensemble des Bourses étrangères. Le plan de relance de l'économie américaine présenté par George W. Bush n'a pas convaincu. Et les - très - mauvaises nouvelles se multiplient sur l'état de santé des établissements financiers tout autour de la planète, suscitant des craintes de défauts en cascade.

Les économistes n'ont plus que ce mot à la bouche: récession. Alors que George Bush a annoncé vendredi des mesures de relance de l'économie, les marchés ne s'apaisent pas. A la clôture, ce lundi 21 janvier, le CAC 40 perd 6,83%, sa plus forte baisse depuis le 11 septembre 2001, et atteint les 4.744,45 points.

Les places européenne sont en chute libre, enregistrant des plongeons jamais vus depuis les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone. C'est le cas à Londres, où le Footsie-100 cède 5,48% à 5.578,20 points, et à Francfort, où le Dax, l'indice des trente valeurs vedettes, perd 7,16% à 6.790,19 points. Madrid et Moscou perdent 7% et Istanbul 6,4%. Les marchés sud-américains font de même: Mexico dévissait à l'ouverture de 4,77%.

"Le risque de récession américaine gagne du terrain et nourrit les scénarios les plus noirs", écrivent dans une note les économistes du Crédit Agricole. "Les marchés anticipent des baisses de taux agressives de la part de la Banque fédérale américaine (Fed), 50 points de base en janvier suivie d'autres au cours de l'année", ajoutent-ils.

C'est que les statistiques économiques de la plus grande économie mondiale, ainsi que les résultats des banques, prises dans la tourmente de la crise du crédit hypothécaire, sur le quatrième trimestre, n'en finissent plus de décevoir... voir d'affoler. Ainsi, les banques américaines, mais aussi européennes et asiatiques, sont au coeur de l'actualité économique et soufflent le chaud et surtout le froid, sur les places de marché mondiales, en cette saison de publication de résultat trimestriels et annuels.

Les résultats de fin d'année alarmants

Merrill Lynch a récemment publié quelque 10 milliards de dollars de pertes sur l'année, suite à des dépréciations d'actifs. Citigroup a pour sa part passé plus de 18 milliards de dollars de provisions et 10 milliards de dollars de pertes au quatrième trimestre. Les deux banques ont été contraintes de chercher des capitaux frais auprès de fonds souverains. UBS, la plus grande banque mondiale de gestion de fortune, a aussi annoncé avoir perdu 10 milliards de dollars dans cette crise et a fait appel au fonds souverain Government of Singapore Investment Corporation à hauteur de 11 milliards de francs suisses...

Surtout, malgré les montants des charges et les recapitalisations, la crise ne semble pas terminée. Dans une lettre envoyée à ses actionnaires le 10 janvier, la banque d'affaire suisse UBS a même reconnu qu'il lui est encore impossible d'évaluer avec précision l'impact définitif que la crise du subprime et du financement hypothécaire américain aura sur ses comptes. De quoi attendre, sur l'ensemble du secteur, de mauvaises nouvelles.

La crise bancaire loin d'être terminée

Ce lundi 21 janvier, la banque allemande WestLB a ainsi annoncé 1 milliard d'euros de pertes au titre de l'année 2007, accompagnée d'une recapitalisation d'un milliard d'euros. La banque pourrait par ailleurs décider des réductions massives de ses effectifs de l'ordre de 2.000 suppressions de postes.

De son côté, Commerzbank a affirmé aujourd'hui qu'elle devra inscrire dans ses comptes des dépréciations supplémentaires liées à ses investissements dans des crédits immobiliers américains à risque, les subprime, selon Martin Blessin, futur nouveau président du directoire du groupe bancaire allemand. "D'autres sont à prévoir si les marchés ne se redressent pas", a ajouté le dirigeant, qui indique toutefois que les dépréciations seront inférieures à celles qui ont été passées au troisième trimestre, à hauteur de 291 millions d'euros.

Les banques françaises ne sont pas épargnées, et le marché redoute de nouvelles dépréciations de la part de Société Générale. Lundi, le titre de la banque française recule de près de 8% à la clôture, à 78,52 euros. Vendredi 18 janvier, des rumeurs sur des dépréciations d'actifs importantes à la Société Générale ajoutées à des propos du gouverneur de la Banque de France sur les banques françaises jugés alarmants par les marchés ont précipité la chute des cours. Le titre avait terminé la séance en chute libre de 8,34%. Dans son sillage, l'ensemble des valeurs bancaires françaises ont accusé le coup vendredi et poursuivent leur repli spectaculaire ce lundi.

Une année 2008 sacrifiée, un peu de répit attendu en 2009

La tendance négative, en particulier sur les bancaires, risque de se poursuivre sur l'année 2008. "Le repli du secteur financier mondial se poursuivra jusqu'en 2009", estiment les analystes de l'agence de notation Standard & Poors. Selon l'agence, le repli souligne même l'importance des risques systémiques. "En 2008, les résultats des banques seront plus proches de ceux du début des années 2000 que des niveaux atteints en 2005-2006", ajoutent les experts de S&P, qui estiment toutefois que "la baisse des résultats attendue pour 2008 ne conduira pas à une vague d'abaissement des notes dans le secteurs financier mondial".

L'agence estime en effet que la "plupart des conglomérats financiers disposent de ressources suffisantes pour faire face à plusieurs années difficiles". En outre, "moins dépendantes des marchés de capitaux, les banques commerciales et régionales d'Amérique du Nord et d'Europe devraient bien résister en 2008". Une lueur d'espoir dans un environnement qui semble de plus en plus incertain...

Les analystes de Crédit Agricole optent d'ailleurs pour un scénario assez modéré, malgré une année 2008 qui restera difficile: les banques ont déjà réalisé un énorme travail de dépréciation de leurs encours exposés au "subprime", pour plus de 100 milliards de dollars, rappellent les économistes de Crédit Agricole. "Si elles se préparent à présent à des temps plus difficiles sur d'autres segments de marché où la crise se déplace par effet cyclique, les pertes à attendre sur ces marchés n'auront rien à voir avec celles générées par les excès du modèle appliqué au segment subprime immobilier".

Pour les économistes de Natixis, la crise actuelle devrait se transformer en opportunité, sur les marchés actions: "même si le momentum de début d'année n'est pas favorables aux actions, la problématique de la valorisation reviendra très vite sur les devants de la scène pour faire des indices boursiers une classe d'actif particulièrement attrayante", expliquent les experts de Natixis, qui souligne que les prix des matières premières devraient se détendre.

Une touche d'optimisme qui se retrouve dans les propos de l'économiste Marc Touati, qui estime qu'après "un trou d'air en 2007 et en début d'année 2008, l'économie américaine devrait non seulement éviter la récession, mais surtout redémarrer à partir de l'été prochain, ce qui se traduira par une croissance proche de 2,7% sur l'ensemble de l'année. Non, l'écroulement des Etats-Unis n'est ni pour aujourd'hui, ni pour demain...", assure l'économiste. En attendant que l'orage passe, les investisseurs devront en tout état de cause faire le dos rond....

De son côté, face à l'effondrement des marché ce lundi, la ministre de l'Economie Christine Lagarde a prôné une meilleure gouvernance, pour assurer un meilleur contrôle des marché. "Cela me conforte dans l'idée que nous devons, sur un plan régional-européen, faire des propositions en matière de meilleure gouvernance, en matière de meilleure régulation, en matière de meilleure supervision des marchés financiers et concernant les acteurs financiers", a-t-elle expliqué lors d'une conférence de presse en marge d'un déplacement consacré à la fusion Assedic-ANPE et à l'emploi des seniors, lundi 21 janvier.

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