Un fabuleux roman en noir et gris

Apocalyptique et fantastique, tel se présente ce livre, à tous les sens de ces mots. Ce n'est pas par hasard qu'il a obtenu le dernier prix Pulitzer : il s'agit d'un grand, d'un énorme roman.

Avec Philip Roth et Thomas Pynchon, Cormac McCarthy est un des plus grands écrivains contemporains américains encore en vie. Son oeuvre est limitée, mais ses publications sont attendues avec un évident appétit.

En dévorant - non, en dégustant - son dixième roman, le lecteur a apaisé sa gourmandise et peut se délecter, une fois de plus avec cet auteur impressionnant d'autant qu'il s'agit là de son ouvrage le plus abouti : "La route" est de ces livres qui marque son temps. Les jurés du prix Pulitzer (version américaine des prix Goncourt, Medicis et Femina réunis) ne s'y sont pas trompés en lui décernant la palme 2007. Plus de deux millions d'exemplaires ont déjà été vendus aux Etats-Unis.

"La route" est le récit d'un père et de son fils errant dans les ruines fumeuses de la fin d'un monde à la recherche d'un peu de chaleur et de réconfort. La planète a été dévastée par une catastrophe qui ne sera jamais précisée, et seuls quelques rescapés errent parmi des routes défoncées, des chemins crapoteux, des forêts carbonisées, des villages consumés, des ponts écroulés parsemés des cadavres momifiés dans des poses hallucinantes.

Il y a effectivement de quoi halluciner, car les rares survivants, tenaillés par le froid et la faim, frôlent avec la démence et le cannibalisme. Le père et le fils, bardés d'un lourd caddie à rétroviseur rempli du strict nécessaire - couvertures humides, outils rouillés, gourde percée et conserves avariées - dérivent vers le Sud, là où il devrait faire un peu plus chaud, là où l'air devrait être un peu plus respirable. Dans cet univers en noir et gris, au coeur des ténèbres, leur cheminement est lent, pénible, suffocant.

Ecrit en de très brèves séquences, avec très peu de dialogues, ce récit pourtant très visuel, tient par le souffle d'une écriture, puissante et évocatrice. Parabole sur la transmission, c'est aussi un hymne à la survie et à la résistance psychique, comme quoi il est plus difficile de survivre que de se faire happer par la mort.

Avec un tel roman, l'année littéraire 2008 commence sous les meilleurs auspices.


Renseignements pratiques :
"La route" de Cormac McCarthy, Editions de l'Olivier, 256 pages, 21 euros

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