Stars des années noires de l'Italie

Dans "Une histoire italienne", Marco Tullio Giordana plonge dans les années noires de l'Italie mussolinienne. Il conte l'histoire vraie, mais arrangée, d'un couple d'acteurs célèbres et cabots qui suivent les fascistes jusqu'au bout. Au-delà des longueurs, des complaisances et des libertés prises avec l'histoire réelle, le film vaut pour l'évocation du cinéma italien des années 30.

"Une histoire italienne" s'ouvre sur une image horrible: deux cadavres ensanglantés découverts par des enfants dans les ruines de la périphérie de Milan, le 30 avril 1945. Une pancarte fraîchement peinte les nomme: Luisa Ferida et Osvaldo Valenti, deux noms d'acteurs bien connus du public italien. Ils ont été exécutés par les partisans quelques jours après la libération de la ville.

A partir de quoi, Marco Tullio Giordana remonte en "flash-back" l'histoire de ces deux vedettes fourvoyées dans la collaboration. Non sans prendre quelques libertés avec leur histoire vraie et celle de leur entourage. Ni sans étirer sur 2 heures 30 le récit entrecoupé deci-delà d'images d'archives.

Une histoire fidèle aurait été d'autant mieux venue que le réalisateur émet des doutes quant à leur réelle implication dans le fascisme en phase terminale (c'est-à-dire la pire, la plus sanglante) et se demande s'il ne s'agit pas de fantasmes dus à leurs rôles de "méchants" dans leurs films. Il est pourtant incontestable qu'après le débarquement américain et la destitution de Mussolini à l'été 1943, ils suivent les fascistes dans le nord de l'Italie et continuent de tourner à Venise où le Duce a fait transférer les studios de Cinecitta, puis à Milan où en quête de cocaïne ils se compromettent avec des trafiquants et des tortionnaires.

Marco Tullio Giordana, le réalisateur de "Nos meilleures années", nous avait habitués à plus de précision et d'acuité. Mais, passons, son film vaut surtout pour l'évocation de l'époque et des grandes figures du florissant cinéma italien des années 30.

Luisa Ferida (Monica Bellucci) et Osvaldo Valenti (Luca Zingaretti) formaient un couple aussi célèbre à la ville qu'à l'écran. Acteurs de premier plan, ils figuraient parmi les "téléphones blancs" que le régime fasciste avait voulu encourager. Ils s'étaient spécialisés, lui dans des rôles de voyou séduisant, elle de femme perdue, et s'amusaient à scandaliser la petite bourgeoisie catholique avec leurs vies hors normes. Narcissiques et cabotins en diable (surtout lui), perpétuellement en mal de reconnaissance, ils se donnaient en permanence en spectacle.

Ce besoin d'être toujours au premier plan, ajouté à celui de la cocaïne pour ce qui le concerne, leur fera faire le mauvais choix au moment où Mussolini connaît ses premiers revers et se refugie, sous la protection des Allemands, en Vénétie où il fonde la République de Salo de sinistre mémoire. L'Italie est en proie à la guerre civile, partisans et fascistes mènent une guerre sans merci, mais les deux acteurs n'en ont cure et ne pensent qu'à leur carrière.

Lorsque Mussolini sera pendu à Milan, Zingaretti se rendra auprès des partisans pour se disculper des accusations de participation à des atrocités commises par un fasciste cruel qui les avait pris sous son aile. Trop tard, l'épuration suivra son cours.

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.