Le deuil de la famille

Avec "Les sept jours", les Israéliens Ronit et Shlomi Elkabetz réalisent un film magnifique sur le travail de deuil dans la communauté juive. Une famille nombreuse respecte scrupuleusement le rite qui commande de s'enfermer toute une semaine dans la maison du défunt pour pleurer sa disparition. Un huis clos magistral où se révèlent les névroses enfouies.

Les deux Israéliens Ronit et Shlomi Elkabetz n'en finissent pas de nous surprendre. Issus d'une famille de juifs marocains installés en Israël, ils ont tous deux débuté comme acteurs à l'étranger. Elle, brune volcanique à la Magnani, s'est installée à Paris où elle a fait merveille au théâtre comme au cinéma. Son frère, lui, s'est plus focalisé sur le théâtre, à New York. Revenus tous deux en Israël, ils passent à la réalisation, mais elle n'abandonne pas pour autant sa partition de comédienne.

Cette fratrie est on ne peut mieux placée pour réaliser des films sur la famille. Leur premier "Prendre femme" (2004) racontait l'histoire de Vivianne (jouée par Ronit Elkabetz), épouse d'un fondamentaliste obtus (Eliahou), dont elle voulait se séparer. Elle reprend ce rôle dans "Les sept jours", sauf qu'entre-temps elle s'est émancipée et vit séparée. Sans toutefois obtenir de lui qu'il accorde le divorce.

Ce deuxième film du tandem est d'autant plus réussi que c'est un huis clos, genre le plus difficile à maîtriser, un film choral, élargi à toute la fratrie de Viviane où elle n'est que l'une des huit frères et soeurs rassemblés pour pleurer la mort du neuvième. Sous la conduite de la mère, imposante veuve, ils respectent à la lettre le rite juif des sept jours qui consiste à s'enfermer toute une semaine dans la maison du défunt pour célébrer sa mémoire et laisser libre cours à la douleur. Ce cérémonial funéraire est une sorte de performance théâtrale où chacun doit s'exprimer face au groupe, à l'instigation des vieilles tantes qui jouent le rôle des pleureuses.

En l'occurrence, l'enfermement est double, car le film se situe pendant la première guerre du Golfe, en 1991, au moment où la population israélienne vit cloîtrée, dans la terreur d'une attaque à l'arme biologique ou chimique lancée par Saddam Hussein.

Au lieu de les apaiser, cette réclusion cristallise les tensions, les jalousies, les rapports de force entre les uns et les autres. D'autant plus qu'aucune distraction n'est offerte, nul ne doit prendre soin de son propre corps, ni se laver, ni se raser, les murs de la maison sont mis à nus, les caractères aussi. Dans la promiscuité, il y a quelques moment drôles qui font office de soupape. Comme quand la vieille fille de service fait des avances à vieil ami de la famille, le ténébreux Ben Loulou. Mais ce n'est que pour mieux souligner les moments de tension et d'affrontements de plus en plus fréquents à mesure que la semaine avance. Les pommes de discorde sont nombreuses, à commencer par la reprise de l'usine familiale, en faillite.

En fait, ces "Sept jours" marquent le deuil non seulement du défunt mais aussi de la cellule familiale en pleine implosion.

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.