L'Allemagne renonce au développement massif des biocarburants

Le projet prévoyant de passer de 5% à 10%, dès 2009, la proportion d'éthanol dans l'essence classique est considéré inadapté pour les véhicules de plus de quinze ans. Environ 3,3 millions de véhicules seraient incapables de rouler avec ce nouveau mélange.

Les biocarburants, un temps présentés comme mesure-phare dans la lutte contre le réchauffement climatique, n'ont décidément plus la cote. L'Allemagne a annoncé ce vendredi qu'elle abandonnait son projet dit "E10" prévoyant de passer de 5% à 10% dès 2009 la proportion d'éthanol dans l'essence classique pour réduire des émissions de CO2.

La raison invoqué est technique : le mélange, plus corrosif que le carburant classique, risque d'user trop vite certaines pièces des moteurs et est inadapté pour les véhicules plus anciens, notamment de plus de quinze ans. Selon l'estimation de la fédération des importateurs VDIK, publiée ce vendredi matin et qui a motivé la décision prise par le ministre allemand de l'Environnement, Sigmar Gabriel, environ 3,3 millions de véhicules, soit 30% des voitures étrangères, sont incapables de rouler avec le nouveau mélange d'éthanol et d'essence classique. Or, Sigmar Gabriel avait déjà prévenu que si le nombre de véhicules inadaptés dépassait le million, il abandonnerait le projet.

C'est donc chose faite. "Il ne s'agit pas d'une mesure ayant trait à la politique de l'environnement, mais d'une mesure destinée à aider l'industrie automobile", a indiqué Sigmar Gabriel. Il n'empêche. L'abandon de ce projet représente un coup dur pour la politique environnementale du gouvernement allemand, qui avait choisi d'aller plus loin et plus vite que l'Union européenne dans ses ambitions de réduction d'émissions de CO2.

Cette mesure "E10" n'est envisagée que pour 2020 par l'Union européenne. En tout cas l'Allemagne n'a pas l'intension de faire cavalier seul. "Chaque stratégie de protection de l'environnement doit impérativement être harmonisée au niveau européen et appliquée", dit-on à Berlin.

Cette position est loin d'être isolée dans l'Union européenne. En Autriche, partis politiques, automobiles-clubs et défenseurs de l'environnement ont appelé jeudi le gouvernement à reconsidérer, à l'image de l'Allemagne, sa décision de doubler la proportion de biocarburants dans les carburants traditionnels.

L'inquiétude est la même : le nombre considérable de voitures techniquement inadaptées à rouler avec du carburant à 10% d'éthanol. En effet, l'Autriche prévoit aussi de faire passer de 5 à 10% la proportion d'éthanol dans l'essence classique, mais en 2010.

D'une manière plus générale, l'image des biocarburants est de plus en plus brouillée. Le recours aux céréales pour produire des carburants est soupçonné de contribuer à la hausse des prix alimentaires mondiaux, à une déforestation aggravant la pollution, à un bouleversement des écosystèmes, voire au déplacement de populations dans les pays pauvres.

En Indonésie par exemple, les agriculteurs ont abandonné leurs cultures traditionnelles de riz, attirés par la hausse du prix de l'huile de palme et confiants dans la demande en biocarburants dans les pays développés. Dans la province de Riau, les plantations de palmiers se sont étendues en une décennie de 400.000 hectares à 2,1 millions d'hectares. Les paysages de forêts ou de rizières et les équilibres naturels ont été chamboulés.

Face à ce bilan écologiquement contesté des biocarburants, la présidence slovène de l'Union européenne n'a d'ailleurs pas exclu une révision de l'objectif obligatoire européen sur les carburants "verts". En Italie, Romano Prodi a ouvertement réclamé "un examen très approfondi" de l'objectif de 10%, compte tenu des inquiétudes grandissantes sur les conséquences du développement des biocarburants. Pour l'heure, la Commission de Bruxelles n'a pas l'intension de changer son fusil d'épaule.

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