Perton, itinéraire d'un itinérant

Directeur de la Comédie de Valence - Centre dramatique national Drôme/Ardèche -, Christophe Perton présente à Paris sa mise en scène de "Hop là, nous vivons!", pièce de l'Allemand Ernst Toller, auteur très engagé politiquement. Occasion d'une rencontre avec ce metteur en scène particulièrement actif et inventif.

Ernst Toller, militant de la paix après s'être engagé volontairement en 1914 (il a 19 ans) pour la guerre, fut emprisonné autour des années 1920 pour ses activités et ses responsabilités dans des organisations où il défendait un socialisme plutôt humaniste. A sa sortie en 1924, cet écrivain et dramaturge allemand resta un agitateur et s'opposa au nazisme montant. Mais harcelé, ses livres brûlés en 1933, il préféra s'exiler aux Etats-Unis. Il se suicidera à New York en 1939.

Dans cette itinérance tragique, le metteur en scène et directeur de la Comédie de Valence, Christophe Perton, a fait passer son propre itinéraire artistique par la case "Hop là, nous vivons!", pièce que Toller écrivit en 1927, après sa 'liberté' retrouvée. Une proposition scénique déjà très bien accueillie sur différents plateaux de théâtre avant son arrivée ces jours-ci aux Abbesses (Théâtre de la Ville) à Paris. Rencontre avec Christophe Perton.

La Tribune. Pourquoi Toller aujourd'hui dans votre parcours théâtral?

Christophe Perton. J'ai porté ce projet pendant 17 ans. Pour moi, c'était comme un engagement à la fois poétique et politique. Et Toller pose cette question de l'engagement, interroge les compromissions dans la société des hommes. Ce texte écrit en 1927 est extrêmement contemporain. Il nous parle toujours aujourd'hui. Je l'ai adapté et resserré pour une douzaine de comédiens. La rencontre avec le public est très bonne. Nous le voyons bien depuis la création en 2007, en coproduction avec le Théâtre de Genève, le TNP Villeurbanne et le Théâtre de la Ville.

Vos productions passent très souvent par Paris depuis les années 90. A la Colline, au Théâtre de la Ville, au Rond Point... et pourtant vous restez un jeune "patron" d'une structure régionale, le CDN Drôme-Ardèche, avec une troupe permanente. Expliquez-nous?

Je suis de Lyon et c'est là que j'ai fondé ma propre compagnie en 1987. Au début des années 90, le responsable de la Culture à la Ville de Lyon et aussi au niveau de la région, Jacques Oudot, fait comprendre qu'il souhaitait implanter des compagnies en Rhône-Alpes et qu'à Privas il y avait un théâtre. Quand j'ai vu le grand plateau de ce théâtre de cette petite préfecture de l'Ardèche, j'ai trouvé ça intéressant. En 1992, je suis devenu artiste associé avec ma compagnie en résidence.

En cet environnement plutôt rural, n'était-ce pas surprenant pour quelqu'un comme vous qui êtes un passionné d'écritures contemporaines?

Ma première idée à Privas a été de créer "Porcherie" de Pasolini. Tout le monde a été surpris mais j'ai argumenté pour montrer que Pasolini n'était pas seulement un auteur scandaleux mais aussi proche du monde ouvrier et paysan. Et puis j'ai proposé un vrai projet autour de Pasolini - des textes de moi et de lui - avec l'idée de tourner dans les petites communes autour de Privas. Nous avons ainsi réuni des vrais publics dans ces villages qui après sont revenus au théâtre de Privas.

C'est comme ça qu'est né notre "Théâtre de la parole", des petites formes que nous montrions dans les villages. Comme un service public pour le public, de la décentralisation de la décentralisation. L'aventure s'est poursuivie de l'autre côté du Rhône, à Valence dans la Drôme, en prenant en 2001 la direction aux côtés de Philippe Delaigue, de la Comédie de Valence devenue à l'occasion centre dramatique national. Mais c'est aussi à ce moment là que nous avons renforcé notre démarche décentralisatrice dans les deux départements avec la Comédie itinérante, structure ouverte sous quelques réserves aux autres compagnies de la région.

Que produit cette Comédie itinérante?

Sans refaire toute l'histoire et après différentes réflexions nous proposons normalement trois créations par saisons qui tournent localement mais aussi au niveau national. Depuis 2002, nous avons une troupe permanente d'une dizaine de comédiens. Je ne conçois pas le théâtre en région autrement, d'autant qu'ils peuvent travailler avec d'autres metteurs en scène. Nous faisons aussi chaque année dans la région des appels à projet de création pour aboutir à une production par une jeune compagnie locale.

Je peux vous dire qu'avec tous nos engagements, accueil de spectacles étrangers compris, le public répond présent. Notre CDN, seul, accueille 32.000 spectateurs aujourd'hui en une saison. C'est 10.000 de mieux qu'à mon arrivée. Et avec la Comédie itinérante nous en recevons 45.000. Pour Drôme/Ardèche, qu'on ne vienne pas nous dire que le théâtre va mal. Mais il faut aussi qu'on nous donne les moyens de notre politique.

Jusqu'au 23 février au Théâtre des Abbesses à Paris. Tél: 01 42 74 22 77. Du 25 au 28 mars à la Comédie de Saint-Etienne.

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