La Cour des Comptes s'en prend à la sincérité des comptes publics en 2007

Bien loin de la diminution affichée à 34,7 milliards d'euros, le déficit de l'Etat se serait en fait sensiblement aggravé l'année dernière, à 44,12 milliards selon la Cour des Comptes. Des accusations qui tombent mal pour le gouvernement, alors que la Commission de Bruxelles envisage de lancer un avertissement à la France sur ses déficits.

Le déficit de l'Etat, affiché à 34,7 milliards d'euros pour 2007, est-il sincère? L'amélioration qui en résulte, après les 39 milliards de déficit de 2006, est-elle réelle? La Cour des Comptes ne le pense pas.

Présentant ce mardi à la presse le rapport annuel de son institution sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat, Philippe Séguin, premier président de la Cour des Comptes, a souligné les différentes opérations comptables qui ont permis d'afficher cette amélioration apparente du déficit public.

La vente de titres EDF possédés par l'Etat a lourdement pesé. Hors prise en compte des produits de cession de ces actions, le déficit 2007 se serait élevé à 38,4 milliards d'euros alors que celui de 2006 n'aurait été que de 35,7 milliards hors opération de régularisation des pensions de fonctionnaires, a relevé Philippe Séguin.

Des reports sur 2008 de plus de 7 milliards d'euros de charges exigibles en 2007, des débudgétisations et la perception de recettes exceptionnelles de 6,6 milliards d'euros, bien au-delà des évaluations de la loi de finances initiale, ont permis en fin d'année de réduire le déficit annoncé, a-t-il noté.

Le président de l'institution s'en est pris notamment à un "singulier tour de passe-passe": l'extinction de la dette de l'Etat à l'égard de la Sécurité sociale réalisée de manière extra-budgétaire pour ne pas dégrader les comptes publics. "Le règlement de cette dette, qui devait se faire grâce aux recettes issues de la privatisation des autoroutes, aurait dû être inscrit au budget, ce qui aurait majoré d'autant les dépenses et conduit à une aggravation du déficit de 5 milliards", a-t-il dit.

En l'espèce, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) a émis des billets de trésorerie pour 5 milliards, un établissement public les a souscrits puis a abandonné la créance qu'il détenait ainsi sur l'Acoss. Celle-ci a alors annulé la dette de l'Etat à son égard et l'Etat s'en est trouvé allégé sans rien avoir décaissé.

Le rapport dénonce également la débudgétisation des primes dues aux banques lors de la clôture par les ménages des plans d'épargne logement. Ces charges, qui se montent à environ 600 millions d'euros, auraient dû être supportées par l'Etat mais celui-ci, n'ayant pas les crédits suffisants, a fait faire l'avance par le Crédit foncier.

En comprenant ces deux dépenses (sécurité sociale, primes d'épargne logement) "effectuées à tort en dehors du budget de l'Etat", le solde budgétaire de 2007 se serait établi à 44,12 milliards d'euros, souligne la Cour des comptes.

Et ce n'est pas tout. Ces opérations extra-budgétaires ont aussi permis de limiter la hausse des dépenses à 0,8% dans le budget 2007, conformément à la norme d'évolution retenue, mais la Cour rappelle que le champ de cette norme ne couvre que la moitié environ des dépenses de l'Etat.

Les recettes fiscales nettes de leur côté ont diminué (de 0,5%) en 2007 pour la deuxième année consécutive, et stagnent de manière générale depuis 2004 - "situation inédite dans l'histoire de nos finances publiques", a tenu à souligner Philippe Séguin.

La croissance en 2007 a pourtant permis de générer 16,4 millions d'euros de recettes fiscales supplémentaires par rapport à 2006, mais celles-ci ont été annulées intégralement par des baisses d'impôts et des transferts vers les entreprises et une partie des citoyens. Ces chiffres, a noté le premier président, reflètent des décisions du précédent gouvernement, tandis que les mesures de 2007, avec la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (Tepa) n'auront des conséquences qu'à partir de 2008.

"Nous sommes donc, en définitive, face à un effet de ciseau avec des recettes fiscales nettes qui stagnent et des dépenses qui restent dynamiques", a dit Philippe Séguin. "Le retour à l'équilibre des finances publiques d'ici 2012 suppose 10 milliards d'économies par an. Pour l'instant, on est encore loin de ce chiffre, mais la démarche est à tout le moins engagée", a-t-il ajouté.

Ce rapport de la Cour des Comptes tombe d'autant plus mal pour le gouvernement que la Commission de Bruxelles s'apprête à adresser à Paris une recommandation lui enjoignant de s'attaquer à ses déficits excessifs. Une démarche particulièrement humiliante alors que la France prendra le 1er juillet la présidence de l'Union européenne.

Le gouvernement français tient demain mercredi à Bercy un Comité des Finances publiques présidé par le Premier ministre, qui pourrait se solder par de nouvelles mesures d'économies après celles déjà annoncées dans le cadre de la Revue générale des politiques publiques.

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