Les industriels se rebiffent contre le projet de taxe sur les téléviseurs

Face à la volonté du gouvernement de financer la suppression de la publicité sur l'audiovisuel public par une taxe sur les téléviseurs et autres produits audiovisuels électroniques, les industriels du secteur dénoncent une mesure "inéquitable et contradictoire". Selon eux, cette taxe pourrait freiner le développement de leur activité en France. De son côté, le président de France Télévisions, Patrick de Carolis, a demandé des garanties de financement pour compenser la perte de recettes liées à la publicité.

Décidément, la suppression de la publicité sur l'audiovisuel public, annoncée avec surprise la semaine dernière et réitérée ce jeudi par Nicolas Sarkozy (voir article par ailleurs), suscite bien des réactions. Derniers remous en date : le projet, évoqué mercredi soir par le gouvernement, de taxer la vente des produits électroniques grand public pour financer la suppression de la publicité sur l'audiovisuel public. "Inéquitable" et "contradictoire" pour les professionnels du secteur, qui ont réagi en force ce jeudi.

"Cela faisait quelques jours qu'on savait que c'était en discussions à l'Elysée", avoue le porte-parole du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (Simavelec), qui a immédiatement demandé à être reçu à l'Elysée avec des représentants de la grande distribution.

"Cette taxe semble tout à fait inéquitable parce qu'on va faire payer les consommateurs pour des chaînes qu'ils pourraient ne pas regarder", s'étrangle le porte-parole du syndicat. "D'autant plus que les sommes en cause ne sont pas anecdotiques: selon les rumeurs, ce serait aux alentours de 1 à 2% du prix de vente, un pourcentage qui, avec la TVA et la marge de le distribution, peut très vite se retrouver à 3 ou 4%". Sachant q'un téléviseur LCD standard coûte en moyenne 775 euros, selon le Simavelec, cela entraînerait donc une taxe d'une trentaine d'euros.

"Cette taxe viendrait en plus de toutes les taxes qu'il y a déjà sur les téléviseurs: il y a déjà une taxe dédiée à l'environnement et une taxe dédiée à la copie privée, ce qui ferait un empilement qui commence à faire lourd", souligne le Simavelec.

Pointé du doigt également, les risques de "distorsion de concurrence". "On va recevoir la télévision sur toute une série d'appareils, comme le téléphone mobile et l'ordinateur, et on ne sait pas si ce sont seulement les téléviseurs qui vont être taxés", indique le syndicat, qui s'inquiète aussi de la possibilité pour les consommateurs d'acheter à l'étranger ou sur Internet des téléviseurs non taxés.

Autre argument développé : le frein au développement du numérique en France. "Cette taxe nous semble complètement contradictoire par rapport à ce qu'on nous demande de faire par ailleurs, de faire en sorte que la mutation vers le numérique soit le plus rapide possible, avec la fin de la diffusion analogique prévue en 2011: en rajoutant une taxe, on augmente les prix et on ralentit mécaniquement les choses", dénonce le Simavelec.

Un argument repris par autre syndicat du secteur, le SFIB (Syndicat de l'industrie des technlogies de l'information), qui réunit les industriels de l'informatique. Ce dernier s''est lui "émeut vivement" de ce projet qui, outre les téléviseurs, concernerait également les ordinateurs et les téléphones mobiles. "La France est en retard sur ses concurrents européens en termes de connexions Internet et d'équipement en PC", fait valoir le SFIB qui souligne que l'équipement de nouveaux foyers "ne peut qu'être que très négativement impacté par une éventuelle taxation des PC".

Face à cette levée de boucliers, le président de France Télévisions, Patrick de Carolis, s'est également exprimé ce jeudi dans une tribune du Monde intitulée "Pour que vive le service public". Sans remettre en cause la réforme envisagée, qu'il qualifie d'"ambitieuse", le PDG demande à ce que la fin de la publicité sur ses antennes soit compensée par un financement "pérenne", le maintien du périmètre et de l'indépendance éditoriale pour continuer à rassembler une "large audience".

La suppression de la publicité "peut devenir une levier efficace pour accélérer et accentuer notre stratégie de différenciation éditoriale. Mais à condition que soient garantis notre indépendance éditoriale, notre périmètre actuel et un financement pérenne et dynamique", écrit-il, insistant : ces garanties "doivent s'inscrire dans la durée".

Patrick de Carolis demande ainsi la "compensation intégrale, et de façon dynamique", des pertes liées à la fin de la publicité (800 millions d'euros) et le financement des programmes qui remplaceront les écrans publicitaires."L'excellence culturelle a un coût", explique-t-il.

Pour le PDG du groupe public, il est "indispensable de pouvoir continuer à rassembler l'audience la plus large" car "rien ne serait pire qu'une télévision publique qui déciderait de ne s'adresser qu'à une petite élite déjà saturée de références et qui abandonnerait le reste des téléspectateurs à la télévision commerciale".

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