Fraude : la Société Générale estime avoir frôlé le pire...

Alors que la fraude dont la Société Générale a été victime lui a coûté 5 milliards d'euros, elle annonce que la perte aurait pu être "décuplée" tant les positions prises par le trader malveillant étaient "immenses". Le pire a donc été évité...

L'atmosphère est pesante au siège de la Société Générale, à La Défense. Aujourd'hui, jeudi devant un parterre de journalistes, de caméras de télévisions et de photographes, Daniel Bouton et son équipe dirigeante viennent d'annoncer au marché que la deuxième banque française a été victime d'une fraude qui lui coûte 5 milliards d'euros.

Les yeux baissés, le ton funèbre... Les plus hauts responsables de la Société Générale détaillent, écrasés par la gêne, l'ampleur du désastre, qui oblige la banque à lever 5 milliards d'euros sur le marché pour assurer sa solidité financière. "Nous déposons au pied de tous nos actionnaires nos excuses pour les événements terribles découverts ce week-end", annonce à grand renfort d'humilité Daniel Bouton.

En quelques jours en effet, tout le système, voire la survie du groupe Société Générale, a été remis en question. Dimanche 20 janvier à 11 heures, le management apprend l'ampleur d'une fraude réalisée par un homme seul, "opérateur de base dans un salle de marché", selon Daniel Bouton. Un trader d'une trentaine d'années qui a réussi à contourner tous les gardes fous, et autres systèmes de contrôle et de sécurité de la Société Générale.

"Quelqu'un a construit une entreprise au sein de l'entreprise et dissimulé ses positions. Il avait travaillé depuis plusieurs années au back-office du groupe, où il appris à déjouer les contrôles", détaillent les dirigeants. "Le fraudeur connaissait tous les calendriers et nos techniques de contrôle. Il changeait les positions sur des indices européens selon les besoins pour les masquer", ajoute Daniel Bouton, qui précise que le fraudeur a finalement été découvert sur une erreur... de sa part!

Daniel Bouton n'en revient pas. "C'est une histoire extraordinaire", martèle-t-il, parlant même de "personnage de fiction", et s'inclinant devant "l'incroyable intelligence" du trader qui a organisé un système d'une immense complexité. "Ses motivations sont totalement incompréhensibles. Il ne semble pas avoir bénéficié à titre personnel de ces fraudes", ajoute le patron de la banque française.

"Nous avons décidé lundi 21 janvier de réduire la position ouverte. Nous avons agi dans le respect de l'intégrité des marchés", explique Daniel Bouton qui précise qu'ils ont joué également de malchance quant au "timing". "Nous avons eu la malchance de tomber sur cette fraude en même temps que les jours de la baisse du marché, en début de semaine", explique-t-il, accablé.

Eviter le pire

Malgré les conditions de marché épouvantables en début de semaine, il n'était en effet pas possible pour la banque d'ignorer les positions prises par le trader. Le groupe a choisi d'agir vite, coûte que coûte, et dans le secret absolu. Et pour cause: "la taille des position était tellement énorme qu'il aurait été impossible de les couper si elles avaient été révélées", explique Philippe Citerne, le directeur générale de la banque. "Nous avons souffert de malchance, car nous avons réussi à solder ces position pendant les trois journées noires du marché", ajoute le directeur général.

"Dimanche soir, on ne connaissait pas le montant des expositions, ni la perte, et on n'avait pas non plus les moyens de la combler!", tremble Daniel Bouton, laissant comprendre à quel point Société Général a évité le pire. "Le coût de la fraude est devenu terrible à cause de l'évolution des marchés. Depuis dimanche à 11 h nous avons compris le risque", ajoute le PDG.

Ainsi, l'indicent d'une extrême gravité dont la banque française qui vaut 34 milliards d'eurso en Bourse a été victime, et qui lui coûte 5 milliards d'euros, aurait en effet pu lui coûter bien plus cher. "Les pertes auraient pu être décuplées", reconnaît, fébrile, Philippe Citerne. Du coup, avec 5 milliards d'euros de pertes liées à cette fraude d'une ampleur incroyable, Daniel Bouton estime que la société s'en est finalement assez bien sortie... D'autant que la défaillance de la Société Générale aurait entraîné une réaction en chaîne catastrophique.

Daniel Bouton tente d'ailleurs de rassurer tant bien que mal, et de redorer le blason du groupe, à l'approche de ses résultats annuels. "La situation n'est pas liée à une erreur, ni à une dissimulation. C'est quelqu'un qui a profité d'informations privilégiées sur les techniques de sécurités et de contrôle de nos activités, qui a mené seul des opérations en dehors de ce qu'il faisait pour la société", commente Daniel Bouton. "Il a fait usage de techniques extrêmement sophistiquées de dissimulation. Mais dans leur nature les opérations n'ont rien a voir avec la réalité de notre activité sur les dérivés", ajoute le PDG.

"Dans de telles circonstances, Société Générale a dégagé un résultat convenable en 2007, avec un bénéfice net compris entre 600 et 800 millions d'euros", assure Daniel Bouton, qui s'aventure maladroitement à considérer que la Société Générale sort "renforcée" de cette épreuve "extraordinaire", grâce à un renforcement des capitaux par augmentation de capital... Il est toutefois dans l'impossibilité de dire jusqu'à quel point les actionnaires du groupe s'en trouveront dilués, puisque le titre pâtit justement de ces annonces.

Pour mieux faire amende honorable, le PDG, dont le conseil d'administration a refusé la démission, renonce à six mois de salaire et à ses primes, tout comme son numéro deux, Philippe Citerne.

En attendant, le marché devra se convaincre, tout comme les investisseurs, que cette mésaventure est bel et bien soldée, et qu'aucune autre mauvaise surprise de ce genre n'a pu, encore une fois, échapper à la vigilance des services de sécurités de la banque.

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