Siemens annonce de brillants résultats, mais obscurcis par les affaires de corruption

Le premier groupe industriel allemand affiche d'excellents résultats avant une assemblée générale centrée sur les affaires de corruption. Les actionnaires soutiennent le nouveau président Peter Löscher mais exigent des comptes aux anciens dirigeants pour des affaires qui ont déjà coûté au groupe plus de 1,5 milliard d'euros en frais divers.

Les résultats de Siemens sont florissants mais les affaires de corruption, dans lesquelles le premier groupe industriel allemand est englué, plombent l'ambiance de l'assemblée générale qui se déroule ce jeudi 24 janvier à Munich. Les résultats ont été annoncés avant le début de son AG.

Le bénéfice net a bondi au premier trimestre de son exercice 2007/2008 entamé le 1er octobre, passant de 788 millions d'euros il y a un an à 6,5 milliards grâce à une cession majeure. La vente de la filiale d'équipements automobiles VDO à Continental a gonflé le résultat de 5,4 milliards d'euros environ.

Le bénéfice opérationnel sur le trimestre a augmenté de 16% à 1,7 milliard d'euros, un peu mieux que prévu par les analystes interrogés par Thomson Financial News (1,66 milliard), et le chiffre d'affaires de 10% à 18,4 milliards, moins que ce qu'espérait le marché (18,8 milliards).

En revanche, point noir, la division énergie est plombée par une charge de 200 millions d'euros.

La marge opérationnelle du groupe a été relevée tout à la fois pour les divisions Industrie, où elle est désormais de 9 à 13% contre 9 à 11% visée auparavant, ainsi que sur les divisons Energie où elle passe de 9 à 13% à une nouvelle estimation fixée de 11 à 15%. Les objectifs de marge pour la troisième division, le médical, ont été déjà fixés entre 14 et 17% à l'horizon 2010, contre 13 à 15% jusqu'à présent.

De plus, le groupe a lancé un programme de rachat d'actions annoncé en novembre dernier, d'un montant de 10 milliards d'euros jusqu'en 2010. Du 28 janvier jusqu'à fin avril, Siemens va racheter pour 2 milliards d'euros de titres.

Le groupe a par ailleurs annoncé l'ouverture de discussions officielles avec la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme de Wall Street. Celle ci devrait débuter en février à priori. La SEC a engagé une enquête sur les faits de corruption commis par Siemens. Selon la presse allemande, l'amende pourrait monter jusqu'à 4 milliards de dollars. Une bonne nouvelle puisque le dossier qui pend sur le groupe depuis des mois comme une épée de Damocles pourrait permettre une fois celui ci réglé de rendre l'ambiance en interne plus sereine.

"Entre le profit et la morale. Pour une économie à visage humain". Tel est le titre d'un livre écrit par Heinrich von Pierer en 2003. Sa thèse : tout acte contraire à l'éthique n'est pas rentable. Un fascicule que l'ancien patron de Siemens pourrait utiliser pour sa défense.

Car ce jeudi, les quelque 10.000 actionnaires attendus dans le gymnase olympique de Munich pour l'assemblée générale de Siemens veulent obtenir des explications. Comment les scandales de corruption qui entachent le groupe depuis un an ont-ils pu passer inaperçu de la direction ? Qui savait vraiment quoi ?

Heinrich von Pierer, qui a dirigé le groupe jusqu'en janvier 2005 et présidé ensuite son conseil de surveillance jusqu'en avril 2007, pouvait-il ignorer les dérapages ? Pourquoi son successeur, Klaus Kleinfeld, évincé l'été dernier, n'a-t-il pas demandé des explications après les affaires qui ont commencé à sortir en Italie et au Liechtenstein en 2005 ?

Au dernier comptage, le premier employeur privé d'Allemagne a identifié 1,3 milliard d'euros de transferts douteux. Une somme coquette qui fait dire à certains qu'il s'agissait d'un système.

Debevoise & Plimpton, le cabinet d'avocats spécialisé mandaté par Siemens pour mener l'enquête sur les affaires de pots-de-vin, aurait visiblement des informations qui laissent à penser que l'ancienne direction n'était pas aussi blanche que ce qu'elle veut bien dire.

Car depuis que les avocats ont promis des peines atténuées à ceux qui faisaient acte de repentance, le dossier commencerait à s'éclaircir. Important pour prouver à la SEC, le gendarme de la bourse de New York, qui a ouvert une enquête pour infraction à ses règles, que le groupe allemand prend avec célérité les mesures nécessaires L'ambiance interne en revanche s'assombrit nettement.

La liste des personnes impliquées semblerait s'élargir et toucher au plus haut, même si aucun nouveau nom n'a été révélé. D'après notre confrère Handelsblatt qui détient une copie d'un courrier, un ancien salarié de la division de matériel médical aurait dès juin 2004 informé par écrit le responsable de la division, Eric Reinhardt, aujourd'hui au directoire du groupe, et Heinrich von Pierer, d'irrégularités.

Autant dire que les actionnaires vont réclamer des explications, d'autant que les scandales coûtent cher au groupe. Plus de 1,5 milliard d'euros sous la forme d'une amende en Allemagne, de sanctions fiscales et de frais d'avocats jusqu'ici. Et l'addition n'est pas terminée puisque, tant que les avocats de Debevoise enquêtent, il en coûte 1,7 million d'euros par jour ouvrable à Siemens.

Pas étonnant que le nouveau président du conseil de surveillance, Gerhard Cromme, et le nouveau patron du groupe, l'autrichien Peter Löscher, aient décidé de renoncer au vote du quitus des comptes pour les membres du directoire et pour Heinrich von Pierer. Une procédure exceptionnelle qui n'avait encore jamais été utilisée pour une grande entreprise allemande.

Seul Peter Löscher, qui a pris les commandes du groupe au 1er juillet, venant de l'américain Merck, recevra l'aval pour sa gestion du dernier exercice clos au 30 septembre 2007.

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