Benicio del Toro donne corps au mythe du Che

Film événement au festival de Cannes, "Che" de l'Américain Steven Soderbergh, une fresque historique en langue espagnole, concourant pour la palme d'or. Ce film fleuve d'une durée de 4h30 est divisé en deux parties: d'abord la montée d'une étoile au firmament de la révolution cubaine, puis sa chute pitoyable dans la jungle bolivienne. L'icône universelle est formidablement incarnée par l'acteur Benicio del Toro.

A Cannes, Steven Soderbergh est resté dans toutes les mémoires pour avoir remporté d'entrée de jeu la palme d'or avec son premier film "Sexe, mensonge et vidéo", en 1989, à 26 ans. Depuis, chaque film de ce réalisateur et producteur prolifique fait événement tant ce petit génie du cinéma indépendant américain réussit dans les genres les plus divers, comédies à succès (la trilogie des "Ocean's"), films de société ("Traffic", oscar 2001), films noirs ("The good german").

Pour au moins quatre raisons, "Che", son 18ème opus, fait événement au Festival de Cannes où il concourt pour la palme d'or. Premièrement pour son sujet, annoncé clairement dans le titre: la vie du héros de la révolution cubaine, Ernesto Guevara, dit Che, né en argentine en 1928, médecin asthmatique et révolutionnaire professionnel, mort exécuté en Bolivie en 1967.

Deuxièmement pour sa longueur exceptionnelle, ensuite: 4h30, un format hors norme qui pour l'exploitation en salles sera divisé en deux parties. D'abord l'ascension du guérillero de la révolution cubaine, puis sa chute pitoyable dans la jungle bolivienne. Troisièmement pour sa forme, mêlant habilement quelques archives d'époque à des documents reconstitués en noir et blanc, hagiographie glorieuse en technicolor et récit proche du documentaire.

Quatrièmement enfin pour son acteur, Benicio del Toro, né à Porto Rico, puis passé à Hollywood où il décroche des rôles à la télévision avant de rejoindre le cinéma où il s'est imposé dans "Indian runner" de Sean Penn, président du jury cette année. Sa première collaboration avec Soderbergh lui a valu l'oscar du meilleur second rôle dans "Traffic". Son incarnation du Che lui vaudra-t-elle le prix à Cannes? Ce qui est sûr, c'est que sa prestation s'impose nettement au-dessus des deux précédents interprètes du Che: Omar Sharif en 1969, et Gael Garcia Bernal dans "Carnets de voyage", de Walter Salles, à Cannes en 2004.

Le film s'ouvre donc sur la période glorieuse du Che, parti du Mexique en compagnie de Fidel Castro et d'une poignée de révolutionnaires mener la lutte à Cuba contre la dictature du général Batista. Rythmé par des extraits du discours mémorable, aux Nations Unies en 1964, du Che, tout auréolé de la victoire à La Havane, le premier film, à la tonalité héroïque, montre le jeune guérillero argentin s'imposant aux Cubains, menant la guérilla dans les montagnes de la Sierra Maestra puis conquérant les villes, sous les vivas de la population acquise à sa cause. Sans négliger son rôle de stratège politique et militaire, meneur d'hommes exigeant un entrainement et une discipline inflexibles dans ses rangs.

Nettement plus sombre, la seconde partie débute en 1966, en Bolivie, ou le Che, après une première tentative avortée au Congo, croit pouvoir exporter la révolution cubaine et allumer un foyer censé embraser tout le continent sud-américain. Mais il doit rapidement déchanter: privé de tout soutien de la population paysanne locale, donc de tout ravitaillement, et même de médicaments, le Che lutte pied à pied pour sa survie, menant une bande clairsemée de desperados dans une fuite éperdue à travers la jungle. Une fin sordide en forme de cul-de-sac, en totale opposition avec l'icône romantique, objet de culte universel.

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