Les nouveaux défis du "made in monde"

L'heure est au "worldsourcing". Mais, attention, il suffit de pas grand chose dans le domaine de la sécurité ou de normes lacunaires pour ruiner une notoriété, rappelle William J.Amelio, PDG de Lenovo.

Le pouvoir d'achat semble être depuis quelques mois la préoccupation numéro un des Français. Ayant le sentiment que les prix augmentent plus vite que leurs revenus, les ménages ont tendance à restreindre leur consommation et à centrer leurs achats alimentaires sur des produits à bas prix. Ce qui est vrai pour l'alimentaire - en témoigne le succès du "hard discount" - l'est aussi pour les produits manufacturés, y compris les médicaments, l'informatique ou les jouets.

Face à cette tendance lourde des "prix bas" chère aux consommateurs, les industriels ont une responsabilité capitale: continuer à garantir aux consommateurs la sécurité en plaçant au premier plan la qualité et la diversification des sources d'approvisionnement. Récemment, plusieurs scandales touchant à la sécurité des consommateurs ont révélé l'absurdité de s'ingénier à fabriquer des produits ou à gérer un aspect d'une activité à moindre coût. Ces agissements sont devenus tellement risqués, et les craintes des consommateurs tellement pesantes, que la Commission européenne et d'autres instances gouvernementales internationales ont mis en oeuvre des initiatives pour réglementer la qualité et la sécurité des produits.

Néanmoins, les organismes de contrôle ne suffisent pas. Il appartient aux multinationales de prendre leurs responsabilités en considérant une nouvelle approche leur offrant une garantie absolue de qualité, le "worldsourcing", ou approvisionnement à l'échelle mondiale. A une époque où Internet permet la libre circulation des informations et la couverture d'événements en temps réel, aucune entreprise ne peut contourner les règles, ni se fier à des critères de qualité qui laisseraient à désirer sans altérer son image de marque, son bien le plus précieux.

Dans ce contexte, le "worldsourcing" n'est pas un choix, mais une nécessité. A l'échelle mondiale, une entreprise n'est pas jugée selon sa nationalité, mais sur la qualité de ses produits et services, de sa gouvernance, de sa transparence, de ses pratiques environnementales et de son engagement en matière de responsabilité institutionnelle et sociétale. Dans la logique du "worldsourcing", toutes les composantes d'une multinationale sont délocalisées, là où résident les ressources, les talents, l'innovation et les gains d'efficacité les plus intéressants. Les critères de qualité applicables aux produits ne sont pas le seul sujet de préoccupation dans les débats sur l'approvisionnement mondial.

Le cabinet Gartner a récemment défini un modèle de risques permettant d'évaluer les enjeux auxquels font face les entreprises, quel que soit leur pays d'implantation. Il a notamment souligné le fait que l'externalisation à l'échelle mondiale comportait un risque majeur en termes de sécurité des données.

Les vulnérabilités ne sont pas limitées à la chaîne de fabrication, elles concernent tous les systèmes d'information, qu'il s'agisse de données financières ou liées aux ressources humaines. Face au danger de la porosité des normes de sécurité applicables aux produits, nombre d'entreprises mènent des actions préventives. Nike, par exemple, effectue des contrôles surprises pour s'assurer que ses fabricants respectent les normes en vigueur.

Aux quatre coins du monde, Carrefour forme ses fournisseurs-agriculteurs, auprès de qui il achète ses produits frais, à l'utilisation de pesticides "inoffensifs". McDonald's instaure des chaînes logistiques propriétaires fermées, d'envergure mondiale, afin de garantir la qualité de ses produits. Toutes les entreprises, grandes ou moyennes, le savent: il suffit d'un hic dans le domaine de la sécurité ou de normes lacunaires pour ruiner une notoriété, comme peut en attester l'un des premiers fabricants mondiaux de jouets.

Ma propre société constitue un autre exemple de "worldsourcing": PDG de nationalité américaine, je suis basé à Singapour. Notre président Europe, de nationalité néerlandaise, est basé à Paris. Le président de notre conseil d'administration, chinois, travaille depuis les Etats-Unis. Une réunion de nos équipes d'encadrement a tout d'une assemblée générale des Nations unies. Nous venons d'ouvrir un centre marketing international en Inde, notre centre opérationnel européen est implanté à Paris, nos centres d'exécution en Amérique du Nord.

Nous possédons des usines en Chine, en Inde, en Amérique latine et en Europe. La France et l'Europe peuvent continuer à s'en remettre aux marques qui font de l'approvisionnement et de l'externalisation à l'échelle mondiale leur credo car elles ont depuis longtemps acquis la confiance des consommateurs en collaborant avec les acteurs les plus doués de la planète.

L'Europe ne l'ignore pas, les produits des entreprises pratiquant le "worldsourcing" ont beau être estampillés "Fabriqué au Royaume-Uni" ou "Fabriqué en France", dans le nouveau monde qui est aujourd'hui le nôtre, ils pourraient tout aussi bien porter la mention "Fabriqué dans le monde" ou "Fabriqué sur cette planète".

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