Jérémie Rhorer, anatomie d'un chef confirmé

Présent cet été à Aix-en-Provence et à Beaune, deux des plus grands festivals de musique classique en France, Jérémie Rhorer revient, à 35 ans, sur son éternelle image de "jeune chef".

Depuis son premier grand succès médiatique à Beaune en 2006 (où il dirigeait "Idomeno" de Mozart), Jérémie Rhorer est présenté comme un éternel "jeune chef qui monte" alors qu'à 20 ans, il faisait déjà des saisons à Gaveau avec son premier orchestre de chambre, les Musiciens de la Prée. Mais il relève le paradoxe avec philosophie. "Il y a toujours un grand décalage entre la reconnaissance médiatique et le travail de fond qui a été fait pendant les années de préparation. J'ai commencé à diriger à 20 ans, j'ai acquis beaucoup de métier avec les Musiciens de la Prée, rencontré beaucoup de solistes et dirigé pas mal de musique contemporaine. Mais tout cela je l'ai fait un peu dans l'ombre", reconnaît-il.

C'est finalement l'aide de deux grands chefs, dont il fut l'assistant, Marc Minkowski et William Christie, qui le propulse à 28 ans sur le devant de la fosse. Il partage notamment avec eux les représentations des "Noces de Figaro" (Aix en Provence, 2001) de "L'Enlèvement au Sérail" (Aix, 2003), des "Boréades" (Opéra National de Paris, 2003) ou encore de "Sémélé" (Théâtre des Champs-Elysées, 2004). "Pendant ces années, je me suis nourri tant du travail de William Christie sur la rhétorique baroque et classique, que de l'approche théâtrale et extravagante de Marc Minkowski".

Difficile d'imposer sa propre vision des choses face à ces deux personnalités du monde musical ? Pas tant que ça. D'autant que celui qui a vraiment influencé Jérémie Rhorer, c'est Emil Tchakarov. "J'ai eu la chance de pouvoir le rencontrer très tôt, avant même d'orienter mes études vers la direction d'orchestre. Je balbutiais, et il m'a fait une leçon assez iconoclaste et décalée de ce que devait être selon lui un grand chef d'orchestre". L'ancien assistant de Karajan partait en effet du principe qu'un grand chef devait avant tout développer toutes les qualités liées à l'oreille et à l'écriture, et ce de manière extrêmement intensive. "Sa propre formation de chef s'est faite sur le tas, en transcrivant et écrivant pour les instruments qu'il avait sur place en Russie. Il pouvait se retrouver avec 4 accordéons et 1 cymbalum pour une 5e de Tchaïkovski ! Autant vous dire que l'exercice est formateur".

Egalement très marqué par son professeur d'harmonie et de fugue au Conservatoire, le compositeur Thierry Escaich, Jérémie Rhorer finit par affirmer qu'un chef d'orchestre doit être capable de réécrire la musique qu'il interprète s'il veut en saisir toute la subtilité. Au point de devenir lui-même compositeur. En 2004, l'Académie des Beaux-arts lui décerne d'ailleurs le prix de composition Pierre Cardin.

Cet été, on le retrouve à la tête du Cercle de l'Harmonie pour deux opéras : "Orphée et Eurydice" de Gluck (Beaune, le 26 juillet) et "L'infedelta delusa" de Franz Joseph Haydn (jusqu'au 15 juillet à Aix). Cette dernière oeuvre, en particulier, est pour le chef, épris de Mozart, une belle découverte. "C'est une sorte de préfiguration de "Cosi fan tutte". L'aura de Haydn comme maître de la symphonie et du quatuor a un peu éclipsé son activité de compositeur d'opéra mais c'est indiscutablement une source pour Mozart !"

"L'infedelta delusa" de F. J. Haydn, les 5, 7, 9, 11, 13 et 15 juillet 2008 à Aix-en-Provence. Tél : 04.42.17.34.34. www.festival-aix.com.
"Orphée et Eurydice" de C.W. Gluck, le 26 juillet 2008 à Beaune. Tél : 03.80.22.97.20. www.festivalbeaune.com

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