Cent ans de musique de film

La Sacem fête les cent ans de musique de film au cinéma le Balzac à Paris. Entre ce dimanche et mardi soir 15 avril, on pourra piocher entre des ciné concerts, des master class et autres projections de films en entrée libre l'après-midi, et des soirées sur invitation pour voir "L'argent", film de Marcel L'Herbier de 1928, ou assister à la projection en avant première du "Grand alibi" de Pascal Bonitzer avec Miou-Miou, Lambert Wilson, Pierre Arditi, Valeria Bruni-Tedeschi, etc... Ce film, très construit, s'inspire d'un roman d'Agatha Christie "The Hollow". Il est parcouru d'une musique originale composée par le Russe Alexeï Aigui.

Rencontre avec Claude Gaillard, directeur des relations avec les sociétaires, à la Sacem. Cette Société des Auteurs, Composteurs et Editeurs de Musique, de droit privé et à but non lucratif, a pour première mission de "collecter les droits d'auteur en France et de les redistribuer aux créateurs français et dans le monde entier".

La Tribune.- Les festivals de cinéma comme Cannes sont avares de prix pour la musique. Pourquoi si peu d'intérêt?

Claude Gaillard.- Il y eut dans le passé des prix pour la musique de film à Cannes. Mais, depuis quelques années, le festival montre moins d'intérêt pour la musique. Il est vrai qu'en France, les compositeurs de musique originale sont souvent quasiment exclus d'un projet cinématographique. Plus par négligence que par volonté. La musique arrive en queue de budget et souvent la production d'un film finit par gratter les fonds de tiroir... A de rares exceptions près. La musique est en fait la cinquième roue du carrosse. Ce qui est pour moi un total contresens. Je rappelle qu'en France une loi de 1957 attribue à un film cinq co-auteurs et le compositeur en fait partie aux côtés du réalisateur, des auteurs du scénario, de la photo et des dialogues.

-Cette situation est-elle propre à la production du cinéma français?

- Outre-Atlantique, la musique de film est un poste très important. Son budget se négocie très en amont car c'est un véritable moteur de promotion pour un film. La bande sonore française est, elle, globalement médiocre alors qu'elle devrait être le ciment de l'action du film. Il y a des exceptions bien sûr, mais globalement il faudrait, ici, une révolution culturelle pour gommer ce contresens et faire en sorte que la place des compositeurs soit moins effacée. Les spectateurs veulent de plus en plus de qualité sonore. Ceux qui fréquentent les salles de cinéma sont nettement moins nombreux, en France, à acheter des DVD de films qu'aux Etats-Unis. Pourquoi? Parce que peut-être, là-bas, la musique participe plus fortement à la magie du cinéma.

-Comment la Sacem récolte-t-elle les droits et les redistribue-t-elle aux auteurs-compositeurs?

- Grosso modo, il y a entre 175 et 200 millions de spectateurs qui payent leurs places au guichet des salles en France en une année. Sur un ticket, il y a 11% de taxes diverses sur lesquelles la Sacem récupèrent 1,5%. Donc si l'on prend un prix moyen d'une place, à savoir 5 euros pour une moyenne nationale, cela fait 6,7 centimes récupérés par place. Un film qui fait un million d'entrées, l'ensemble de la musique et des sous-titrages reçoit 67.000 euros. A partir de là, nous avons tout un système extrêmement codifié qui prend en compte différents paramètres: musique de cinéma, téléfilm ou DVD, son utilisation -fond sonore, spot, concert, jeux...-, sa durée, etc., pour rémunérer les compositeurs. Un pourcentage va aussi aux auteurs de doublage et de sous-titrage. Tout cela grâce notamment à la dizaine d'inspecteurs musicaux qui chronomètrent tout et repèrent à la seconde près les thèmes musicaux qu'ils transposent sur des 'cue sheet', autrement dit des fichiers.

Ce qui était auparavant transcrit sur des cartons et qui a constitué notre exceptionnel dictionnaire musical, est naturellement aujourd'hui transposé sur ordinateur. Tout ce travail permet notamment d'éviter le maximum d'erreurs, sur les questions de plagiats par exemple. N'oubliez pas que tout est redevable, même le film porno. Nos inspecteurs voient donc chaque année plus de 400 films mais nous enregistrons et nous gardons aussi quelque 34 chaînes radio et 36 TV. Nos archivages électroniques sont consultables, ce qui est aussi une sécurité pour nos ayants droits.

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