"Cadmus et Hermione", spectacle total

L'Opéra Comique offre le premier opéra de Lully, dirigé par Vincent Dumestre et mis en scène par Benjamin Lazar. Un enchantement.

"Quel spectacle charmant, quels plaisirs goûtons-nous! Les dieux mêmes n'en ont point de plus doux...". Molière et Lully achevaient par ces vers leur oeuvre commune en 1670, "Le Bourgeois Gentilhomme", comme pour mieux annoncer ce qui suivra trois ans plus tard: "Cadmus et Hermione", sous la plume du compositeur de Louis XIV et celle de Philippe Quinault, futur librettiste des autres opéras de Lully.

A l'Opéra Comique, la "tragédie en musique" donnée lundi soir par le chef du Poème Harmonique, Vincent Dumestre, et le metteur en scène Benjamin Lazar fut un spectacle total.

Pour la vue, tout d'abord. Les décors plantés, réalisés selon des techniques anciennes par Antoine Fontaine et le Centre de Musique Baroque de Versailles, recréent la perspective d'un jardin d'orangers, l'intérieur d'un palais, ou bien encore le champ de Mars. Les panneaux coulissent à vue et une machinerie directement empruntée aux techniques théâtrales des XVIIe et XVIIIe siècles fait apparaître ici un serpent python, là un dragon. Mars traverse les airs sur son char, tandis que le Soleil s'extrait des nuages... Le trucage est visible, cousu d'un fil désuet, mais l'illusion est totale tant l'ensemble est magique. Le plateau est entièrement éclairé à la bougie, ce qui lui confère une intimité sensuelle et chaleureuse.

On doit ce travail d'orfèvre à Christophe Naillet, déjà salué pour le "Bourgeois Gentilhomme", précédente production du tandem Dumestre/Lazar, ainsi que très récemment pour "Il San't Alessio", créé par Benjamin Lazar à l'opéra de Caen. Les costumes sont à l'image des décors: précieux et inspirés. De plumes en bijoux incrustés, les soieries se succèdent, dans un frou-frou enchanteur.

Mais "Cadmus et Hermione" est aussi un bonheur pour l'ouïe. Vincent Dumestre dirige le Poème Harmonique (choeur, orchestre et danseurs) avec une fougue qui n'étouffe jamais la nuance. Le son qui émane de la fosse est d'une profondeur et d'une subtilité remarquables. La diction des chanteurs est parfaite, leur gestuelle cohérente dans l'accompagnement du geste vocal, et cette langue est si plaisante, que l'on se prend plus tard à en imiter les accents...

Si Claire Lefilliâtre (Hermione) et André Morsch (Cadmus) incarnent des premiers rôles un peu figés dans leur statut d'héroïne/héros, le baryton Arnaud Marzorati (Arbas) et la soprano Isabelle Druet (Charite/Mélisse), drôles et expressifs, explosent en seconds espiègles.

Alors oui, décidément, "quel spectacle charmant, quels plaisirs goûtons-nous! Les dieux mêmes n'en n'ont point de plus doux...".


"Cadmus et Hermione" de Lully, les 23, 24, 26 (retransmis en direct sur France Musique) et 27 janvier à l'Opéra-Comique à Paris. Tél: 01.42.44.45.47. www.opera-comique.com. Les 3, 5, 6 février au Théâtre des Arts à Rouen, tél: 08.10.81.11.16. www.operaderouen.com.

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