Thierry Pécou signe un premier opéra engagé

Première création lyrique de Thierry Pécou, "Les sacrifiées" raconte le destin brisé de trois femmes, de l'Algérie à la France. Une fable contemporaine, chronique d'un chaos ordinaire.

Raïssa, Leïla et Saïda. Les trois actes du premier opéra de Thierry Pécou, écrit d'après la pièce éponyme de Laurent Gaudé, portent le nom de trois destins tragiques, trois femmes victimes d'une mutilation, une "grimace" qui les suit d'une génération à l'autre. Derrière le poids du destin, transparaît la violence des hommes.

La première, Raïssa, est une algérienne violée par des soldats français. La seconde, Leïla, est le fruit de ce drame, élevée en France. Retournée en Algérie sur les traces de sa mère, elle s'automutilera afin de ne jamais pouvoir enfanter. La troisième, Saïda, est une jeune fille du bled adoptée par Leïla suite à son agression au vitriol par un groupe de jeunes intégristes qui la jugeaient indécente.

Le trio formé par l'alto Jacqueline Mayeur (Raïssa), d'une grande profondeur, la mezzo-soprano Sylvia Vadimova (Leïla) et la dynamique colorature Sevan Manoukian (Raïssa jeune, Saïda) est très convaincant. Alors même que l'oeuvre apparaît difficile à suivre vocalement pour des oreilles profanes.

La partition instrumentale incite au contraire naturellement au voyage tant elle est inspirée, de rythmes et couleurs aux accents lointains, venus des collines berbères et des camps touaregs. On retrouve notamment entre les mains des cuivres et des percussions de l'Ensemble TM+, dirigé par Laurent Cuniot, tout ce que l'on aime chez le jeune compositeur: des sons inventifs, évocateurs de rituels, parfois à la limite du jazz.

Toute la Méditerranée est là, dans cette escale en terre déchirée. L'Algérie, bien sûr, mais la Grèce également, dont les tragédies antiques ont fortement inspiré le compositeur. Le poids du destin et l'omniprésence d'un choeur tragique, catalyseur du drame, en sont des illustrations. La référence à la tragédie grecque est d'ailleurs renforcée par la mise en scène de Christophe Gangneron, les décors de Thierry Leproust et les costumes de Claude Masson. Les personnages, dont les djellabas rappellent les toges, évoluent entre des blocs de pierre et un escalier gris, amovibles au gré des scènes, dont la verticalité et la sobriété évoquent la scène antique.


"Les Sacrifiées" de Thierry Pécou. Tournée en janvier: à Reims (les 18 et 19), à Paris au Théâtre Silvia-Monfort (les 25 et 26). En février: à Chevilly-Larue (le 2), à Beynes (le 9) et à Massy (le 14). En mars: à Sartrouville (le 11) et à Rouen (le 27). www.arcal-lyrique.fr.

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