L'Allemagne se mobilise contre Nokia

Les appels au boycott des téléphones portables Nokia se multiplient dans la classe politique allemande, après la décision du groupe finlandais de fermer une usine en Allemagne pour transférer l'activité en Roumanie.

"En ce qui me concerne, il n'y aura plus de téléphone portable Nokia dans ma maison", a tempêté samedi le président du Parti social-démocrate (SPD), Kurt Beck, rappelant, un brin menaçant, au géant du nord que l'Allemagne, "c'est 82 millions de consommateurs".

L'Allemagne ne décolère pas depuis que Nokia a annoncé mardi à la surprise générale qu'il fermerait d'ici au milieu de l'année son site de Bochum, dans la Ruhr. Quelque 2.300 emplois directs et plusieurs milliers indirects sont menacés dans une région en pleine restructuration et qui continue de souffrir de la fermeture des mines de charbon.

Une grande manifestation est prévue mardi dans cette ville qui a déjà connu en octobre 2004 un dur conflit social quand l'américain General Motors avait décidé de fermer son usine Opel. La direction du constructeur automobile avait fini par plier en mars 2005.

La menace du ministre président du Land concerné, Jürgen Rüttgers, d'exiger de Nokia le remboursement des subventions reçues pour s'installer à Bochum semble avoir fait long feu, dans la mesure où le constructeur affirme avoir respecté ses engagements à la lettre. Restait l'idée du boycott.

M. Beck a ainsi rejoint plusieurs "ténors" de droite comme de gauche. Le ministre de la Protection des consommateurs, le chrétien-social Horst Seehofer, a ainsi indiqué qu'il envisageait un boycott des téléphones Nokia par l'ensemble de son ministère.

La chancelière Angela Merkel elle-même a estimé, par l'intermédiaire de son porte-parole, que ce boycott était "absolument compréhensible" tandis que le ministre social-démocrate des Finances, Peer Steinbrück, dénonçait un "capitalisme de caravane" où les entreprises passent de pays en pays.

Le même M. Steinbrück tient pourtant le sauvetage de l'usine pour improbable. "Il ne faudrait pas laisser naître de faux espoirs", a-t-il déclaré. Les représentants des salariés sont eux-mêmes très prudents. Une antenne locale de la Confédération des syndicats allemands (DGB) avait lancé dès jeudi un appel virulent au boycott, mais la centrale syndicale a baissé d'un ton, en prévision des négociations avec Nokia sur le plan social.

L'ire des Allemands est d'autant plus vive que l'usine va être délocalisée en Roumanie où les coûts de main-d'oeuvre sont plus faibles. Du coup c'est tout le pays qui se dresse à nouveau contre les ravages d'une mondialisation où les entreprises élisent domicile dans des pays aux salaires toujours plus bas.

Premier exportateur au monde, l'économie allemande est aussi considérée comme une "gagnante" de la mondialisation par les économistes. Pourtant, l'Allemagne est l'un des pays occidentaux les plus en pointe pour en dénoncer les ravages.

L'ancien ministre du Travail, Franz Müntefering, s'était lancé en 2005 dans une virulente campagne contre les "hordes de sauterelles", ces fonds d'investissement qui achètent des entreprises allemandes pour mieux les démanteler ensuite.

Plusieurs journaux soulignaient ce week-end que ces appels au boycott, qualifiés de "populistes", interviennent à une semaine de deux scrutins régionaux importants, en Hesse et en Basse-Saxe.

Le monde politique se présente comme l'avocat des petites gens face aux monstres de la mondialisation, écrivait la Süddeutsche Zeitung. "Est-ce du théâtre? Evidemment mais le théâtre appartient à la politique depuis qu'elle existe", constatait l'éditorialiste.

Un organisme spécialisé, l'Institut allemand pour l'évaluation des marques, estime que "les dégâts pour l'image de marque de Nokia seront plus importants que les gains de productivité" que lui apporte la délocalisation. Le directeur de l'Institut, Michael Hartung, table sur une baisse de 10 à 15% du chiffre d'affaires en Allemagne, dans un entretien paru dimanche.

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