La quasi-totalité des propositions du rapport Coulon sur la dépénalisation du droit des affaires seront retenues

Abus de bien social prescrit au bout de sept ans, alourdissement des peines pour délits d'initiés, voie civile préférée à la voie pénale pour sanctionner les infractions financières, ces propositions sont contenues dans le rapport du groupe de travail réuni par Rachida Dati pour trouver des pistes pour dépénaliser le droit des affaires.

"La quasi-totalité" des propositions du rapport Coulon sur la dépénalisation du droit des affaires, un rapport aux solutions "innovantes et équilibrées", indique la ministre de la Justice, Rachida Dati, dans un entretien aux Echos de ce mercredi 20 février. "Le droit pénal des affaires doit permettre de réprimer efficacement les infractions les plus graves, mais il ne doit pas décourager les entrepreneurs", estime la Garde des sceaux. Le groupe de travail sur la dépénalisation du droit des affaires, présidé par Jean-Marie Coulon, premier président honoraire de la cour d'appel de Paris, rend son rapport à la ministre de la Justice ce mercredi.

Mais son rapport a été dévoilé par le journal Libération de ce mardi 19 février. Il est accessible via le lien ci-joint (cliquer dans notre rubrique à droite "pour aller plus loin"). On y trouve quelques propositions de réformes suffisamment équilibrées pour espérer rassembler un certain consensus.

Ce n'était pas évident, tant la proposition de Nicolas Sarkozy de dépénaliser le droit des affaires, présentée lors de l'université d'été du Medef 2007, avait déclenchée une bronca chez les magistrats - une ex-juge comme Eva Joly était, par exemple, monté au créneau. La colère avait aussi grondé dans l'opposition.

Aujourd'hui, le groupe de travail, composé de magistrats comme Philippe Courroye, de professeurs de droit comme Didier Rebut, d'avocats comme Olivier Debouzy, de banquiers comme André Dupont-Jubien, de Lazard, et d'hommes d'entreprise comme Bernard Field, secrétaire général de Saint-Gobain, propose quelques pistes.

La plus attendue concerne évidement la réforme de l'abus de bien social, infraction phare, ayant souvent permis de lutter contre la corruption. Le Medef s'est longtemps élevé contre le fait que la prescription de ce délit (d'une durée de trois ans) débute non pas lorsque l'infraction est commise mais lorsque elle est découverte. Le délit était ainsi devenu de fait imprescriptible. Le groupe de travail propose que ce délai débute lorsque les faits sont commis, mais qu'il soit rallongé à sept ans. Bref, la prescription de ce délit est clairement affirmée dans le droit. Mais la période après laquelle elle commence à jouer est allongée, laissant plus de temps aux juges pour se saisir d'une affaire.

Plusieurs propositions répondent explicitement à la commande de la ministre qui souhaitait qu'une même infraction ne soit plus sanctionnée par plusieurs peines différentes. Le groupe propose ainsi de supprimer le cumul sanction pénale/sanction administrative, conséquence d'enquêtes diligentées sur le même dossier à la fois par la Justice et par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Sur le même terrain, le groupe propose de développer des synergies entre enquêtes de l'AMF et enquêtes pénales. De même, le groupe suggère de supprimer le cumul entre sanctions pénales et celles infligées par le Conseil de la concurrence.

Autre proposition phare, le groupe de travail suggère que les délits d'initiés soient punis de trois ans de prison au lieu de deux ans. Plus globalement, le groupe de travail veut tout à la fois supprimer les infractions obsolètes et augmenter les peines dans certains cas sensibles.

D'autres propositions vont dans le sens d'une limitation des interstices juridiques utilisées par certains pour s'immiscer dans des dossiers où ils n'ont rien à faire. Au delà d'un appel à l'harmonisation des politiques pénales menées par les parquets, le groupe de travail tente de limiter drastiquement les possibilités de se porter partie civile dans un litige. Ce qui permet d'avoir accès au dossier.

Le groupe indique sa préférence pour la voie civile pour sanctionner les délits financiers. Les pénalités financières y sont beaucoup plus lourdes. Mais la voie pénale débouche souvent sur des peines de prison et toujours sur une médiatisation forte de l'affaire. Le groupe veut ainsi développer les transactions et les sanctions contractuelles au détriment des poursuites. Il relance aussi l'idée d'une action de groupe en matière de droit de la consommation, critiquée par le Medef.

Est-ce pour éviter tout reproche de vouloir enterrer toute possibilité d'enquête financière ? Le groupe de travail insiste sur le renforcement des moyens de la justice financière, notamment en nommant toujours plus d'assistants spécialisés auprès des juges. Dès demain, en tout cas, la balle sera dans le camp de Rachida Dati qui devra décider de se saisir ou non des propositions du rapport Coulon.

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