Mozart politique et Mozart ludique à Aix

Le festival d'Aix-en-Provence programme cet été deux opéras très dissemblables de Mozart, en alternance dans la prestigieuse cour de l'Archevêché. "Zaïde", oeuvre inachevée, en langue allemande, qui prend parti contre l'esclavage. Et "Cosi fan tutte", irrésistible opéra bouffe en italien sur l'inconstance féminine.

A Aix, les opéras de Mozart se suivent et ne se ressemblent pas. Parmi les six oeuvres lyriques au programme cet été, le festival qui fête son soixantième anniversaire a choisi les deux oeuvres les plus dissemblables du compositeur autrichien.

Commencé en 1780 à 24 ans par le jeune Mozart qui voulait se libérer de la tutelle du prince-archevêque de Salzbourg, "Zaïde" est un opéra en langue allemande, un Siegspiel en forme de turquerie à la mode dans le but d'être remarqué par l'empereur de Vienne. Sans avoir reçu la moindre commande - fait inédit dans l'histoire de la musique - Mozart se lance à corps perdu dans cette oeuvre singulière, alliage de comédie larmoyante et d'opéra héroïque sur un livret peu crédible.

Sur ce canevas décousu la partition est parsemée de grands airs qui figurent parmi les plus brillants et les plus difficiles du répertoire, notamment ceux de l'esclave Zaïde souvent repris en version concert par les plus grandes sopranos. Mais "Zaïde" ne fut jamais achevé, Mozart ayant été entre-temps happé par la composition d' "Idoménée" pour le carnaval de Munich. L'oeuvre sans ouverture et sans final ne fut créée qu'un siècle plus tard à l'Opéra de Francfort en 1866.

Bien connu pour ses interprétations non conventionnelles, le metteur en scène américain Peter Sellars donne une dimension politique, contemporaine, et très militante à cette turquerie et en fait un manifeste pesant contre l'esclavage. Dans un décor impressionnant de comédie musicale de Broadway (des ateliers de couture sur trois niveaux superposés reliés par des escaliers métalliques), il fait évoluer les jeunes chanteurs de la distribution cosmopolite et métissée.

La vision politique est martelée au détriment de la direction des chanteurs et acteurs, condamnés à répéter indéfiniment les mêmes gestes mélodramatiques, et de la musique qui, avec la complicité du chef Louis Langrée, subit des distorsions qui deviennent vite exaspérantes.

Beaucoup plus convaincante, la production de "Cosi fan tutte", oeuvre phare du festival d'Aix, qui en fit l'ouverture le 28 juillet 1948. Troisième et dernier des opéras composés en italien sur des livrets de Lorenzo Da Ponte, "Cosi", daté de 1790, est une comédie brillantissime, musicalement très maîtrisée, qui prend pour cible l'inconstance féminine, avec pour cadre la baie de Naples.

Très ingénieux et d'une grande beauté, le dispositif scénique a été conçu par le grand cinéaste iranien Abbas Kiarostami, palme d'or au festival de Cannes 1997 pour "Le Goût de la cerise". Sur un écran géant fermant le fond de scène sont projetées les images d'une mer tranquille filmées par le cinéaste, un rivage méditerranéen ourlé d'écume, ondulant doucement dans la lumière changeante d'une journée d'été, de l'aube au crépuscule. Sur le devant du plateau, la terrasse d'un palais napolitain où s'ébattent les six chanteurs pleins d'entrain de cette comédie des amours semée de pièges et de travestissements sans conséquence.

Spécialiste du baroque, le jeune chef Christophe Rousset conduit la troupe et l'orchestre de la Camerata de Salbourg avec une alacrité qui ne faiblit pas tout au long d'une soirée sans faute qui fera date sous le ciel étoilé d'Aix.

"Zaïde", les 10, 12, 14, 18 juillet à 22 h.
"Cosi fan tutte", les 8, 11, 13, 15, 17 et 19 juillet à 21h30.
Festival d'Aix, tél. 04 42 17 34 34, www.festival-aix.com

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