Société générale : une enquête sensible de très grande complexité

L'affaire, qui sera pilotée par le Parquet de Paris, semble aujourd'hui plus complexe sur le plan judiciaire que ne le disent les dirigeants de la banque. La Justice devra vérifier si le trader incriminé est vraiment coupable d'un délit. Et si oui, duquel.

L'affaire est sensible. L'enquête se révélera longue. Elle débute vraiment ce vendredi 25 janvier par une décision: c'est le Parquet de Paris qui centralisera les enquêtes sur les trois plaintes déposées dans ce qui est présenté comme une fraude ayant coûté 4,9 milliards d'euros à la Société Générale et révélée par la banque jeudi 24 janvier.

Cette décision était nécessaire. Car la banque avait déposé plainte, dès jeudi 24 janvier, auprès du Parquet de Nanterre pour "faux en écriture de banque, usage de faux et atteinte au système de traitement automatisé des données" contre le trader Jérôme Kerviel. De son côté, le Parquet de Paris a ouvert, jeudi 24 également, une enquête préliminaire confiée à la Brigade financière, à la suite de la plainte d'un actionnaire individuel pour "escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux, complicité et recel". De son côté, l'Association des petits porteurs d'actifs (APPAC) a indiqué, jeudi 24, avoir déposé une troisième plainte, toujours à Paris, pour "diffusion de fausses informations ou trompeuses ayant agi sur le cours de Bourse des titres". Cette plainte n'avait toujours pas été enregistrée vendredi à la mi-journée, selon l'AFP.

Cette décision de centraliser les enquêtes montre le caractère sensible de l'affaire. Le Parquet de Paris, juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) en matière financière, dispose des compétences techniques et humaines lui permettant de mener des enquêtes complexes. D'autre part, la concurrence entre les parquets pouvait faire craindre des dérapages et des fuites. Le très célèbre procureur de Nanterre, Philippe Courroye, n'aura pas à connaître de ce dossier.

Ce sera donc au Parquet de Paris de piloter une enquête qui s'avère, aujourd'hui, plus complexe sur le plan judiciaire que ne le laissent penser les dirigeants de la Société Générale. Le Parquet de Paris prend ses précautions en indiquant: "l'affaire s'annonce d'une grande complexité". Hier, une source interne, interrogée par la tribune.fr, faisait référence à l'affaire du Crédit lyonnais, au début des années 90, pour souligner les difficultés de ce type d'enquêtes dans un univers opaque pour les magistrats et policiers. Des enquêtes d'autant plus longues que ces investigations financières ont des ramifications à l'international.

La Justice devra d'abord de vérifier si le trader Kerviel est bien à l'origine de la perte de 4,9 milliards d'euros. Au delà même des doutes de la presse française et internationale, le Parquet de Paris a déjà indiqué que le délit imputé à Kerviel n'était pas automatiquement constitué. Nul juge, en effet, ne peut reprocher à un trader de vendre et d'acheter, ni même d'occasionner des pertes à son employeur dans son activité. D'autant plus qu'il ne semble pas s'agir d'escroquerie ni d'abus de confiance puisque, selon la Société Générale elle-même, le trader n'aurait pas tiré de gain personnel dans l'affaire. La Justice devra également qualifier les faits pour engager des poursuites.

Le délit de "faux et usage de faux" est puni par l'article 441-1 du Code pénal qui réprime de trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros "toute altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit". Plusieurs arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation ont précisé que la signature d'un ordre de Bourse, "la confection matérielle d'un engagement bancaire de caution" ou encore "la falsification de documents informatisés par l'introduction de fausses données, afin de réaliser de faux virements informatiques" se rattachent à cette infraction, précise l'AFP.

De son côté, l'"atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données" est punie jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende. "Le fait d'accéder, ou de se maintenir, frauduleusement, dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données" est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende par l'article 323-1 du Code pénal.

Dans le cas où l'infraction consiste à "entraver" ou à "fausser le fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données", ou bien à "introduire frauduleusement des données dans un système de traitement automatisé ou de supprimer frauduleusement les données qu'il contient", son auteur risque trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende, selon les articles 323-2 et 323-3.

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