Un journaliste dans l'ombre du Général

Correspondant de l'AFP auprès du général de Gaulle de 1944 à 1969, Jean Mauriac fut un témoin privilégié et un confident du grand homme. Il ouvre son carnet de notes.

Il pourrait se flatter d'avoir été le plus lu des Mauriac! Ses dépêches pour l'AFP eurent des millions de lecteurs. Fils de François, Jean Mauriac fut un quart de siècle durant correspondant de l'Agence France Presse auprès du général de Gaulle. De la rue Saint-Dominique à la Libération aux landes d'Irlande, il aura été le témoin privilégié et même le confident du grand homme qui lui écrivit en 1969: "mon amitié vous est fidèle".

Avec ce livre d'entretiens, on retrouve un récit précis dans le plus pur style de l'agencier - mais aussi teinté d'une admiration non feinte pour l'homme du 18 juin. Jean Mauriac ne s'est jamais caché d'être gaulliste. Comment concilier sa "dévotion" - le terme est sien - et l'impartialité, vertu cardinale du journaliste d'agence? L'auteur pense y être arrivé. Le débat reste ouvert.

Le lecteur pourra se faire son idée au vu des secrets qui ont été conservés par l' "accrédité" à l'Elysée. Du moins les journalistes savaient à l'époque qu'une dépêche signée Jean Mauriac ou le plus souvent JM émanait de sources "généralement bien informées", du chef de l'Etat lui-même ou de son entourage le plus proche qui connaissaient la "fidélité" de son auteur.

En ouvrant ses carnets de notes, Jean Mauriac ne cède pas, on s'en est douté, au travers habituel (et rémunérateur) des journalistes, le déboulonnage des idoles. Certes, il décoche des flèches venimeuses à certains, collaborateurs du général et confrères journalistes, y compris de l'AFP. On passera sur ces sautes d'humeur et sur ces états d'âme d'un journaliste (page 183) qui n'aime guère la concurrence des autres agences et cet état de mobilisation permanente qu'exige le métier d'agencier.

L'intérêt de "Le général et le journaliste" tient en la relation dans le détail et avec émotion de grands événements dans l'aventure politique du général de Gaulle: la libération de Paris, la "tournée des popotes" auprès des troupes en Algérie, les visites à Mexico ("la mano en la mano"), Montréal (le Québec libre), Auschwitz, sans oublier les centaines de voyages en province. Collant toujours au chef de l'Etat dans ses déplacements, Mauriac est aux premières loges pour capter le geste, le regard, le "mot" qui souvent "tue". Dans cette chronique, une mention particulière doit être réservée au traitement de la guerre d'Algérie qui permet de décrypter l'évolution de la stratégie du général de Gaulle, de l'Algérie française à l'indépendance.

Récit de proximité des années de Gaulle, évoquant aussi le général "intime" à l'Elysée, cet ouvrage de mémoires apporte également un portrait délicat du père de l'auteur, François Mauriac: un père guère porté sur l'affection filiale et qui "adorait la compagnie des jeunes hommes", même s'il n'était pas homosexuel "au sens où on l'entend pour Gide, Cocteau, Jouhandeau ou Montherlant".


"Le général et le journaliste" de Jean Mauriac. Conversations avec Jean-Luc Barré. Editions Fayard. 306 pages. 20 euros.

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