La nouvelle révolution russe

Après la peinture officielle soviétique, place aux oeuvres de la dissidence. Certaines toiles dépassent le million d'euros. Les collectionneurs, russes surtout, font monter les prix

Durant des décennies, seul l'art officiel soviétique était toléré, voire encouragé, en URSS: mineurs au pied du terril, paysans aux moissons pléthoriques, kolkhozes en fête populaire et défilés militaires au cordeau, le tout en grand format le plus réaliste possible.

Ce n'est que depuis peu que la liberté d'expression des artistes russes est une chose admise: il y a trente ans encore, des bulldozers mettaient fin à des expositions "non-conformistes" et l'an dernier, estimant des toiles "une pornographie honteuse pour la Russie", le ministre de la Culture russe a interdit d'exportation en vue d'une exposition à Paris des tableaux de Viatcheslav Mizine et Alexander Chabourov, artistes pourtant présents à la dernière FIAC de Paris via une galerie privée.

Aujourd'hui, les peintres contemporains, surtout nés entre le milieu des années 20 et 1950, sont à l'honneur. Dopées par des acheteurs fortunés et enthousiastes, certaines de leurs oeuvres, mises aux enchères essentiellement par Sotheby's et Christie's (qui disposent de carnets d'adresses ciblés) à Londres et dans une moindre mesure par Cornette de Saint Cyr et Artcurial à Paris, dépassent des prix millionnaires. Depuis 2003, la cote moyenne de ces artistes a doublé et le mouvement haussier semble continuer de plus belle. ACHETER. Les oeuvres les plus recherchées sont celles de l'entre-deux guerres, notamment quand les artistes ont pu travailler hors de la Russie, souvent en France. Les plus fameuses ornent désormais les cimaises des musées et passent rarement aux enchères, étant achetées directement de gré à gré à des prix très élevés.

Plus abordables, mais tout de même entre 75.000 et 500.000 euros pour une belle facture sont les toiles de Mikhail Larionov, ses représentations cubistes (100.000 euros) étant plus appréciées que ses portraits (50.000) alors que ses croquis pour costumes (de 10 à 75.000) semblent au plus haut. Egalement recherchés sont les paysages de neige de Anna Ostroumova-Lebedeva (150.000), les portraits tachetés de Petr Konchalovsky (450.000), les abstraits géométriques de Vladimir Weisberg (100.000), les oeuvres symbolistes de Boris Anisfeld (150.000), les peintures lyriques de Vladimir Gudiashvilli (500.000), les toiles naturalistes de Nikolai Bodganov-Belsky ou les nus de Zinaida Serebriakova (300.000).

Les oeuvres cubistes de Pavel Filonov, Liubov Popova ou Aristarkh Lentvlov , longtemps négligées, dépassent désormais les 250.000 euros, tout comme celles, proches du "dripping" cher à Pollock, de Evgeny Chubarov.

Les toiles, souvent plus récentes, plus politiques aussi du mouvement "Sots Art" qui tournent en dérision les slogans de la propagande de masse de Viatcheslav Mizine, Boris Orlov Dimitri Prigov ou Alexandre Chabourov estimées autour de 15.000 euros partent souvent à un prix largement supérieur. Plus classiques, celles d'Andrei Filippov, Aidan Salakhova, Nikolai Ovchinnikov, Alexander Sitnikov, un temps délaissés voient également leurs prix passer de 15 à 40.000 euros.

SAVOIR. Les acquéreurs russes sont des collectionneurs pressés, souvent aidés par des intermédiaires avides qui n'hésitent pas à faire acheter à tout prix, profitant de la colossale fortune de leurs clients. D'où une inflation galopante que les maisons de vente entretiennent très commercialement (meilleures places aux enchères, catalogues prestigieux, dîners dédiés,...). Inutile donc de surenchérir, d'autant que nombre de ces amateurs d'art aisés sont très jaloux les uns des autres: une cinquantaine de grandes collections de peintres russes se mettent en place en Russie depuis cinq ou six ans.

A l'inverse de ces artistes contestataires à la cote imposante, il existe d'innombrables peintres de l'ère soviétique dont la production a inondé le marché il y a peu, et qui, une fois passée la politique communiste ont continué à travailler comme avant, faisant passer l'expression collectiviste avant l'artistique. A éviter, même si les prix paraissent peu élevés.

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