Sylvie Testud, saisissante Sagan

"Elle faisait partie de ma vie, écrit Diane Kurys, c'est sûrement la même chose pour beaucoup de gens de ma génération". En effet, le minois à la frange rebelle de Françoise Sagan, son bafouillis si particulier, ses provocations à la face de la bourgeoisie bien pensante, ses tempêtes dans un verre d'eau, ses amours libres, son goût pour la drogue, le jeu, l'alcool et les grosses cylindrée, ses démêlées avec le fisc... sont restés dans toutes les mémoires de plus de quarante ans. Il est d'autant plus difficile, dans ce cas, de réussir un portrait d'écrivain sur grand écran, un "biopic" comme seuls les Américains savent en faire (voir "Truman Capote" par Bennett Miller). C'est pourtant ce que réussit Diane Kurys, que l'on n'avait pas vue si inspirée depuis ses premiers films, "Diabolo menthe" (1977) et "Coup de foudre" (1983). En décidant de faire l'impasse sur le travail d'écriture - par définition intraduisible à l'écran -, elle montre une Sagan lucide sur elle-même et ses capacités littéraires, acharnée au travail solitaire mais toujours en mal de société. Tout juste peut-on lui reprocher sa complaisance pour les années de décrépitude physique et de déchéance mentale de l'artiste qui a brûlé la chandelle par les deux bouts. Manifestement en empathie avec son personnage, Diane Kurys a su trouver l'interprète juste pour ce rôle pas facile à porter, en la personne de Sylvie Testud, qui fait preuve d'un réel mimétisme avec l'écrivain. Elle est entourée d'une kyrielle d'acteurs qui composent la grande famille amicale et amoureuse de Sagan. En deux heures, le film déroule avec fluidité cinquante ans de la vie publique et privée d'une artiste pas banale, de ses premiers succès littéraires à 19 ans jusqu'à sa mort, en septembre 2004, à 69 ans. Dans son sillage, c'est toute la deuxième partie du XXème siècle qui ressurgit, et la faune germanopratine qui gravite perpétuellement autour de Sagan. Comme de juste pour un écrivain, le portrait s'ouvre sur un premier roman, "Bonjour tristesse" qui paraît en 1954 et qui fait un tabac aussi bien critique que public. Sagan y apparaît d'emblée pour ce qu'elle sera toujours: une fille bien élevée de la bourgeoisie qui s'amuse à effaroucher son milieu par sa liberté de ton et de propos. Cela lui réussit et, entre Paris et sa maison de Honfleur, la voilà au centre d'une coterie très in (comme on disait à l'époque), avec pour satellites du premier cercle: Bernard Frank (Lionel Abelanski), Jacques Chazot (Pierre Palmade), Florence Malraux (Margot Abascal), auxquels elle sera toujours fidèle. Fidèle, elle le sera également dans ses amours: son premier mari, l'éditeur Guy Schoeller (Denis Podalydès), suivi d'un second, l'américain Bob Westhoff dont elle eut un fils. Puis le mannequin Peggy Roche, le grand amour de sa vie avec qui elle vécut pendant 15 et qu'elle accompagnera jusqu'à sa mort d'un cancer en 1991 (exquise Jeanne Balibar). Enfin, la redoutable Astrid (Arielle Dombasle), gestionnaire de la ruine matérielle, physique et mentale de Françoise Sagan.En baisser de rideau, Diane Kurys a le bon goût de laisser la parole à l'écrivain elle-même, qui composa ainsi sa propre épitaphe: "Sa disparition, après une vie et une oeuvre également bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même".
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