Un Forum pour renforcer la conscience sociale des entrepreneurs

Durant 3 jours, du jeudi 13 au samedi 15 novembre, des entrepreneurs, des responsables d'ONG, des experts et des hommes politiques se sont retrouvés à Evian-les-Bains pour réfléchir aux défis qui attendent les créateurs d'entreprise lors de la première session du World Entrepreneurship Forum, organisé par l'EM Lyon et KPMG. Latribune.fr a suivi les travaux de ce WEF.

Ce n'est pas Davos, mais c'a y ressemble

Premières impressions de cette manifestation organisée par l'Ecole de management de Lyon, associée pour l'occasion à KPMG.

Il y a des montagnes tout autour, le cadre est superbe, les dirigeants mondiaux et les experts tout aussi internationaux sont au rendez-vous du WEF .... Davos ? Non, Evian-les-Bains. Le World Economic Forum ? Non, le World Entrepreneurship Forum. Ce jeudi 13 novembre, l'Ecole de management de Lyon, associée pour l'occasion à KPMG, organise la première session de ce WEF nouvelle formule. Et le "think tank" qui va avec. Un postulat de départ, prémonitoire lors de la réflexion préalable à la création du WEF : le retour aux bases du capitalisme permettra de sauver le capitalisme. L'oubli de ces valeurs, l'entrepreneur qui disparaît derrière le manager, le confort des martingales aux tables de poker financières, conduisent les pays développés au fond du ravin "subprimes" et de l'impasse récession. Face aux flots glacés du lac d'Evian, le WEF proclame le retour aux vertus ancestrales de l'économie de marché. Les cadres, débutants, jeunes et anciens doivent eux aussi s'en inspirer pour retrouver la "gniaque", gage d'expansion et de futurs économiques et sociaux radieux. Comment réinstaller l'entreprenariat ? Huit enseignants de France, Angleterre, Etats-Unis ont préparé le cadre. Une centaine d'entrepreneurs économiques et sociaux d'Inde, d'Ukraine, d'Indonésie, du Japon, de Chine, de France et des Etats-Unis vont le remplir, ce cadre. Et leurs réponses seront distillées tout au long de ces deux jours de réflexion sur latribune.fr.

Face à la crise, l'avis de Cindy, psychologue en salle des marchés

Elle a 23 ans, revient de Shanghai, après une licence de psycho et un diplôme de l'EM Lyon. Son credo : l'économie, ce n'est que de la psychologie.

Elle s'appelle Cindy. Elle a 23 ans, revient de Shanghai, après une licence de psycho et un diplôme de l'EM Lyon, pour courtiser le vieux requin François Roussely, ex-patron des flics français, ex haut responsable du ministère de la défense, ex-grand manitou d'EDF et ci-devant CEO (PDG) de Crédit Suisse en France. Son objectif : intégrer la puissante salle des marchés de la banque.En guise de CV, elle jette sur la table comme un joker dans une partie de poker la contribution des jeunes au WEF, cri du c?ur des futurs dirigeants des grandes entreprises de demain qui n'existent pas encore aujourd'hui, ceux qui veulent innover, qui aiment le risque, qui se vivent dans la plus parfaite pro-activité, qui valorisent l'autonomie. Ceux qui exigent de recevoir une formation à la protection de l'environnement, qui veulent consacrer un jour par an à une association caritative, qui veulent des femmes stars de l'entreprise.
A la fin, Cindy balance sa botte secrète. Elle dit : l'économie, c'est de la psychologie, uniquement de la psychologie. D'ailleurs, c'est ce que proclamaient Smith (Adam), Ricardo (David) et Keynes (John Maynard), tous les héraults de l'économie classique. La psychologie, cela permet de faire changer les hommes, de deviner les souhaits des consommateurs. C'est un psychologue, et non ces mathématiciens fous qui ont diffusé la crise, qui pourront détecter à l'avance les évolutions peu compréhensibles des marchés. Bref, un psychologue, c'est un entrepreneur et vous avez besoin d'entrepreneur pour piloter votre salle des marchés. A la fin de l'envoi, Roussely cède devant ce modèle d'entrepreneuse de demain, mélange de solide ambition, de responsabilité sociale, de multiculturalisme, d'attention à l'impalpable qui fera peut être le capitalisme de demain.

L'entrepreneur de demain ne sera pas rationnel

L'économie de demain, en réseau, privilégiera la vision, la créativité. Finance et peur du risque sont absentes.

Le WEF rentre dans le dur, ce jeudi 13 vers 17 heures. A la tribune de la séance plénière, Dan Evans dénoue sa cravate, ôte sa veste, dégrafe le premier bouton de sa chemise. Le classique « Friday wear » de la west coast devient, pour cet américain, prof d'entreprenariat à l'EM Lyon, l'uniforme de l'intellectuel qui se retrousse les manches et secoue les méninges. Quatre heures de dur labeur en atelier plus tard, les experts, les entrepreneurs économiques et sociaux ainsi que les hommes politiques participant aux travaux du WEF accouchent des facteurs de succès de l'entrepreneur dans les trois grands types d'économies - les ethos comme on dit - sont projetés aux participants.
Dans l'économie à marché coordonné - style France ou Allemagne - l'entrepreneur doit imposer sa vision, être capable d'apprendre et d'adapter la technologie aux besoins. Dans l'économie à marché libre - suivez mon regard outre-Manche et outre-Atlantique - il convient d'être à l'aise avec l'ambiguïté, construire des équipes efficaces et savoir quant on dispose de suffisamment d'information pour prendre une décision.
On subodore qu'il s'agit là des deux vieilles économie destinées à disparaître dans les limbes de la crise. Car dans l'économie de réseau, celle de demain, ce sont de tout autres valeurs qui prédominent, faites de passion, de vision, de créativité. La peur du risque n'est pas mentionné, ni le financement de ces rêves. L'économie de demain sera la moins rationnelle possible. L'entrepreneur de demain portera la réussite au fond de son c?ur et de ses tripes. Sûrement pas dans son cerveau. Dan peut remettre sa veste et renouer sa cravate.

Législation, impôts, manque de talents, voilà les freins à l'entrepreunariat

Les entrepreneurs du Monde entier réunis au WEF se sont mis d'accord sur ces trois grands démons, par delà les différences nationales et leur environnement économiques.

Le petit artisan de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron) se serait frotté les mains de contentement, ce vendredi 14 novembre entre 8 et 10 heures s'il avait entendu l'aréopage d'entrepreneurs du monde entier. Réunis pour le World entrepreneurship forum (WEF), ces dirigeants d'entreprises ont émis des récriminations identiques aux siennes, tasse de café en main et viennoiseries (délicieuses d'ailleurs) dans l'assiette du petit-déjeuner de travail destiné à déterminer les défis qu'ils affrontent dans leur environnement économiques respectifs.
Du Cameroun à l'Inde, de la Chine à l'Argentine, des Etats-Unis aux Pays-bas, ils sélectionnent trois grands freins à leur activité : la législation, les impôts et le manque de ressources humaines de talent, créatives et adaptés à l'entreprise de petite taille souple et agile. Certes, les acteurs de l'économie de réseau ajoutent à ces trois grands démons l'absence de reconnaissance de l'entrepreneur par la société. Evidemment, ceux de l'économie « coordonnée », en vigueur en France et en Allemagne, ajoutent les inégalités entre les grandes et les petites entreprises et le manque de formation à la créativité dans les universités et les grandes écoles. Et les tenants de l'économie « libre » incriminent le « credit crunch » et les difficultés à maintenir la performance d'une organisation.
Tous sont d'accord. Un seul point de débat : la corruption. Est-elle un frein au business ? Oui, pensent les pays à économie coordonnées et les hérauts de l'économie en réseau. Non, affirment ceux qui vivent en économie « libre », essentiellement des Américains, qui ont oublié la naissance de Las Vegas et l'effondrement de leurs caisses d'épargne dans les années 90. La corruption ne sera pas retenue comme un frein. Ce n'est effectivement pas le souci du petit artisan de Villefranche-de-Rouergue (Aveyron).

Changer le monde, une question d'éducation

Le WEF, world entrepreneurship forum, propose de diffuser la formation à l'entrepreneuriat depuis les écoles primaires jusqu'au doctorat. Aucun pays dans le Monde n'en dispose.

Le WEF devient technique. Se projette vers l'avenir. Vers les générations de demain qui devront rendre le monde plus entrepreneurial. Dirigeant d'entreprise hongrois, expert suédois, homme politique des Seychelles et responsable d'association bengali refont de fond en comble l'éducation nationale mondiale depuis la maternelle jusqu'au doctorat, ce vendredi 14 novembre vers 11 heures.
Une obsession : ouvrir l'esprit des jeunes vers un monde plein « de richesse économique et de justice sociale » à coup de mentoring par les aînés et d'éducation tout au long de la vie pour conserver un état d'esprit survivaliste face à la crise. Reconfigurer l'enseignement primaire et secondaire pour rendre les enfants plus créatifs. Introduire dès le lycée des techniques de création d'entreprise. Construire des réseaux d'entrepreneurs qui porteront la bonne parole auprès des jeunes à peine leur dernier biberon avalé. Apprendre à avancer. A ne pas se laisser arrêter par les obstacles. Tout une éducation à poursuivre jusqu'au soir de sa vie, à coup de remise en cause des certitudes passées et d'étude de nouveaux modèles entrepreneuriaux. Aucun pays ne dispose jusqu'à présent de cette formation à l'initiative économique.
Changer le monde une question d'éducation. Tous les dirigeants présents dans cet atelier semblent d'accord. Ils ont travaillé par groupes restreints. Les idées de ces groupes, présentés devant tous, sont ensuite discutées. Retour dans le groupe, pour, à la lumière de ces discutions, reformuler les idées clés. Une méthode de travail de consensus pratiquée tout au long du WEF qui pourrait certainement et avec profit irriguer le monde éducatif qui plus que des cours inculquerait aux jeunes générations le plaisir de travailler en groupe dans des univers multiculturels entre personnes affichant des obligations professionnelles bien différentes.

Les fulgurances de Patrick Molle

Patrick Molle, directeur de l'EM Lyon et co-fondateur du WEF, veut installer le forum dans la durée pour promouvoir les idées portées par les entrepreneurs.

C'est un homme ambitieux que Patrick Molle. Et aussi un peu fou que de vouloir attirer dans un coin de France, certes magnifique, une centaine d'entrepreneurs du Monde entier pour les pousser à réfléchir sur leur rôle social et économique alors que la crise financière gronde et que l'hôtel dans lequel se déroule le WEF est bien pourvu en tables de jeu, en spa et autre salle de musculation. La folie du directeur de l'EM Lyon a été payante. Les entrepreneurs sont venus et ont travaillé, alors que s'achève la deuxième journée du WEF, ce vendredi 14 vers 19 heures.

"Nous voulons avec ce WEF renforcer la conscience sociale de l'entreprise afin de contribuer à la justice sociale". Il ajoute : "le rôle du WEF sera celui d'un "think tank" : identifier les bonnes pratiques et les diffuser. Bref, un rôle d'influence". Et encore : "je souhaitais promouvoir le rôle économique mais aussi social de ces entrepreneurs. Car le futur dépend d'eux. L'entrepreneur est l'agent économique le mieux placé pour résoudre les difficultés qui assaillent la planète". Il cite, en vrac, la pollution ou la raréfaction des matières premières.

Patrick Molle n'oublie pas qu'il est directeur d'une école de management. "Pour un établissement dont le projet pédagogique est de former des entrepreneurs, le WEF est un prolongement logique. Il nous permet d'accéder à un réseau mondial avec à la clé des cas pratiques pour irriguer l'enseignement et des stages pour les étudiants".

Au fond de ce salon d'un grand hôtel d'Evian, Patrick Molle rêve, les pieds bien sur terre, dévorant son assiette de fromages du terroir en négociant au téléphone avec un interlocuteur chinois. "Demain, c'est-à-dire dès lundi 17 novembre, le WEF se remettra au travail afin de partager les bonnes idées. Nous allons créer des chapitres locaux. Aux côtés de l'EM Lyon et de KPMG, nous allons accueillir d'autres membres fondateurs, sûrement Babson (NDLR : une université américaine dont le programme entrepreneurial est réputé) ainsi qu'une université chinoise. Nous nous retrouverons l'an prochain pour un premier bilan". Objectif, un rêve ultime : "allumer une mèche vierge afin d'améliorer le sort de l'homme sur notre planète".
 

 

Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Attention, cet article laisse entendre qu'une personne ayant une licence de psychologie est psychologue. Il n'en est rien, pour pr"tendre au titre de psychologue il faut avoir valider un master de psychologie (ex DESS). C'est inscrit dans la loi! Le ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Il est indispensable de pointer / § de Cindy que la psychologie est un metier , qui suppose de porter un titre protégé par une loi de 1985 -Licence +Maitrise +Master -suivi de nombreuses formations complementaires et souvent d'un Doctorat -et que la...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Merci beaucoup pour vos deux contributions qui illustrent parfaitement l'un des freins que l'on met à l'entrepreneuriat en France: on se rapporte tout de suite à la règle pour "corriger" et "remettre dans le droit chemin" dès que l'on craint le dérap...

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