Période d’essai non concluante : les leçons qu’on peut en tirer

Selon une étude Mozart Consulting/Willbe Group publiée en décembre 2012, 1 CDI sur 6, tous secteurs confondus, n’est pas confirmé à l’issue de la période d’essai, tant du fait de l’employeur que de celui du salarié. L’échec du processus d’embauche peut, selon la façon dont vous l’expliquez, peser sur vos candidatures futures. Comment parler d’une telle expérience, quelles leçons en tirer ? Témoignages et conseils.
La période d'essai : aussi bien pour l'entreprise que pour le salarié (c) Reuters

Ce n'est pas une période d'essai non concluante qu'a vécue Fabrice mais cinq, en quatre ans. Une fréquence qui n'aurait rien d'étonnant dans les secteur et domaine où il intervient, la publicité dans l'automobile, « secteur particulièrement sensible au phénomène, où la période d'essai cache souvent des CDD ». En 2008, Fabrice est directeur de clientèle depuis plus d'un an chez un des majors de la pub quand, mu par l'envie de travailler dans un environnement différent, il démissionne pour prendre un job « avec plus de responsabilité, plus diversifié et mieux payé dans une plus petite agence ». La mauvaise conjoncture, l'inadéquation entre sa personnalité et celle du directeur général font que sa période d'essai n'est pas renouvelée. Il rebondit dans une autre structure où il est embauché pour fédérer plusieurs entités d'un même groupe, avec des responsabilités de DG. « Au bout de trois mois, donc dans les délais légaux de la période d'essai, une fois tous les processus mis en place, on m'a expliqué qu'il n'y avait pas de place pour deux patrons », raconte-t-il. Atterrissage forcé, remise en cause personnelle, perte de confiance, cycle infernal de la recherche d'emploi et du doute...

 

Six mois plus tard, dans l'optique « je prends et on verra bien, face à l'angoisse du chômage à quarante ans passés », il accepte un poste où on lui confie un budget dans un domaine éloigné du sien : la grande distribution. Ennui mortel, pas les clefs du budget... « J'ai compris très vite que ça ne me correspondait pas, que je ne pourrais pas faire plus longtemps illusion. » La série continue. Toujours dans le but d'éviter que la période de chômage ne se prolonge, Fabrice devient responsable communication et marketing chez l'annonceur, dans sa région d'origine. L'agro-alimentaire ne lui réussit pas mieux que la grande distribution, Paris lui manque, il jette l'éponge avant la fin de sa période d'essai.

 

Savoir parler de ses échecs

 

Enfin, une superbe opportunité se présente : un poste à Paris « dans une structure en devenir, avec un salaire attractif, de vrais objectifs, une vraie ambition ». La mariée était trop belle, il vivra un cauchemar au quotidien. « J'ai été pour la première fois confronté à un problème culturel, tant côté agence que côté client. J'ai dû faire tampon entre la patronne de l'agence et le client, j'ai pensé pouvoir le faire car le client était un ami », explique-t-il. De plus, dans un métier qui nécessite de l'inventivité, de l'autonomie, de la créativité, il se découvre pion parmi les pions. Et se retrouve dans un jeu de pouvoir dont il sort K.O. On lui signifie la fin de sa période d'essai par lettre recommandée, sans aucune explication, après qu'il ait remplacé sa patronne arrêtée pour cause de burn-out et alors qu'il a géré le lancement d'une nouvelle gamme de véhicule. « La proximité entre l'agence et l'annonceur a pu faire peur », analyse-t-il aujourd'hui. Il parle de cette expérience comme d'une « grosse claque » qui finira par l'obliger à se poser pour réfléchir à ces échecs répétés. Fabrice est maintenant directeur de clientèle dans son secteur de prédilection depuis un an chez un autre major de la publicité. Presque un retour au bercail.

 >> Pour aller plus loin, retrouvez toutes nos offres d'emploi

 

Comment parler de ses échecs ? L'avis du coach Robert Zuili, cofondateur d'Excelia, cabinet de conseil en Ressources Humaines.

 

« Il est nécessaire d'être au clair avec les explications que l'on va fournir. Si l'interlocuteur ressent une gêne et un malaise, ce sera de nature à inquiéter un recruteur. Il faut aussi se rappeler que l'on est deux à faire un choix, une période d'essai non concluante n'est donc pas de la seule responsabilité du candidat. Il s'agit de faire la part des choses entre ce qui relève de la sienne et ce qui relève de celle de l'entreprise, un recruteur apprécie toujours cette part d'objectivité. Il s'agit aussi d'être capable de définir en quoi son choix n'était pas cohérent. Il y a souvent des indicateurs auxquels on peut être attentif pour ne pas être pris au dépourvu, or, il arrive que l'on soit dans le déni de la difficulté à venir. Enfin, une situation difficile, comme le fait d'être au centre d'un jeu de pouvoir, peut être transformée en opportunité. Si l'on est une menace, pourquoi ne pas se demander comment parvenir à un pacte d'alliés où chacun serait gagnant ? »

 

La période d'essai pour mieux aller voir ailleurs ?

 

« C'est vraiment moi qui ai été le vilain dans l'histoire car le poste d'avant me correspondait bien ». Dominique conclut ainsi une tout autre histoire que celle de Fabrice. Il a vingt ans d'expérience dans l'industrie pharmaceutique, à divers postes, en relations publiques, communication et ventes. Il fonctionne par cycles de quatre à cinq ans dans la même entreprise, dans un milieu à la fois énorme et minuscule où les gens sont extrêmement chassés. « Dans 90% des cas, j'ai bougé car on m'a proposé des opportunités, sans être en recherche d'emploi. Cela place en position de force dans la négociation, assure fréquemment un +20% sur le salaire », explique-t-il. C'est encore l'envie de bouger qui le pousse, une seule fois, à chercher un job. Une recherche qui l'amène à prendre un poste de directeur régional au sein d'un laboratoire allemand, avec une période d'essai négociée à trois mois. Un mois est déjà passé quand il est contacté par un cabinet de recrutement pour un poste dans un domaine qui l'intéresse particulièrement : la psychiatrie. « J'ai pris le temps de réfléchir, cela me posait un cas de conscience. J'ai pris aussi le temps de négocier avec cet autre laboratoire. L'envie de le rejoindre a finalement été la plus forte, j'ai mis de côté mes états d'âme, comme le font les entreprises », se souvient-il. Et ce n'est pas sa voiture de fonction arrivée le jour où il a annoncé son départ, au terme de sa période d'essai, qui l'aura fait changer d'avis.

 

Comment éviter une situation de double contrainte ? L'avis du coach Robert Zuili.

« Si la période d'essai existe, c'est pour encadrer les hésitations, les découvertes, pour éprouver l'intérêt pour un poste. Si l'on considère qu'une différence de proposition est significativement valorisante et offre un deuxième choix, il est légitime d'aller voir ailleurs. Cela peut générer des déceptions, c'est vrai, mais ce qui compte c'est de mettre des mots pour expliquer honnêtement l'histoire. Pourquoi ne pas partager sa réflexion avec son employeur, ne pas lui expliquer le dilemme qui se pose, qui fait que refuser cette plus belle opportunité qui est proposée ne rendra pas heureux ? La personne, quoi qu'elle fasse peut estimer que cela n'ira pas, c'est ce qu'on appelle la double contrainte, ou contrainte paradoxale. Sait-on jamais, de ces discussions peuvent émerger de nouveaux accords. Et cela a le mérite d'éclairer le choix : soit vous tombez sur quelqu'un qui prend la mouche et cela vous donne raison ; soit votre interlocuteur réagit avec intelligence et ouvre des portes. Il s'agit là encore de transformer l'obstacle en opportunité et il faut savoir partager pour que cela soit possible. On ne parle évidemment pas de démarche de chantage, vouée à l'échec, mais de sortir d'une situation qui peut faire culpabiliser. »

- - -

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.