Au-dessous du volcan

Chaque semaine, découvrez les chroniques sur la vie au bureau réalisée par Sophie Péters. Anecdotes, conseils, expériences : pour sourire mais aussi mieux se sentir dans son job.

Y a-t-il pire situation pour un manager que ce nuage de fumée qui lui a bouché l'horizon sur son agenda des jours durant ? Il sait faire face à tout : la déloyauté de ses partenaires, l'infidélité des clients, la colère des salariés, mais la fiche « Volcan » ne figure dans aucun des cours d'école de commerce. Réduit à l'état d'impuissance, il a craint de voir le fruit de son travail pris dans la lave islandaise et dévaler les pentes de la croissance à toute vitesse. Depuis des mois, il s'essaye vaillamment à la gestion de crise, agit avec mesure, remonte le moral des équipes. Et voilà que la nature l'a pris de court, lui rappelant qu'il n'est plus maître en son pays du business. Sans aucun bouc émissaire sur qui porter sa colère et son désarroi.

« Je suis moi, et tout seul », se vante le futur Richard III dans l'Henri VI de Shakespeare, prétendant ne dépendre de rien ni de personne. L'homme n'a de cesse d'exercer sa toute puissance sur les événements. Nous ne laissons aucune place à l'impuissance, toujours occupés à gérer nos vies, incapables d'accepter la moindre frustration, toujours désireux de tout contrôler. Surtout nous la masquons, nous la nions. Ainsi, nous cultivons notre violence et notre ressentiment à l'égard de ce qui ne devrait pas arriver. La terreur dont elle est source nous fait rechercher la sécurité et la protection, parfois même des croyances magiques. L'impuissance confine alors à la désespérance quand elle devrait au contraire nous ouvrir à notre humanité. Il faut parfois pouvoir être un sujet impuissant de manière à être aidé, à être compris, à devenir un être en relation avec le monde.

Si on ne fait pas à un moment cette douloureuse expérience - qui nous renvoie à notre statut de petit enfant - on se tient irrémédiablement à l'écart des expériences humaines fondamentales. De notre réel potentiel de croissance. Peut-être ce volcan islandais nous a-t-il offert une belle occasion de supporter d'être des enfants de la Nature ? D'autant que contrairement à la crise économique qui a tendance à cultiver le chacun pour soi et chercher les responsables, les catastrophes naturelles ébranlent toute une communauté, permettant de développer notre empathie et notre solidarité mutuelle. De nous redonner de la puissance par l'acceptation de notre impuissance. Mais une puissance nouvelle faite d'humilité, de recul, d'entraide, de temps long et plein. De patience et de confiance. 

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