Noël, joli rituel de cohésion sociale

Chaque semaine, découvrez les chroniques sur la vie au bureau réalisée par Sophie Péters. Anecdotes, conseils, expériences : pour sourire mais aussi mieux se sentir dans son job
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En cette veille de Noël dans les chaumières, gageons que vous avez déjà fêté l'événement au bureau... ou dans une salle de spectacle avec vos collègues et patrons. Alors que depuis belle lurette les CE des grosses boîtes n'oublient pas de convier parents et enfants autour d'un Père Noël, la fête s'enracine aussi depuis peu dans les PME et les bureaux des grands groupes de façon moins institutionnelle et néanmoins festive. Il semblerait que l'époque morose, des mois de crise et une tension exacerbée aient fait naître le besoin de se lâcher. Ou du moins de se retrouver à partager quelques bulles de champagne le sourire aux lèvres. Car ce rituel est, de tous, le seul à permettre un resserrement des liens, un apaisement des conflits, voire, dans l'idéal, un pardon. D'abord à cause de son sens symbolique d'échange de dons. Ensuite par son message de transition et de redémarrage.

Briser l'enfer de l'open space

N'oublions pas qu'à l'origine le 25 décembre est dans l'Antiquité la fête de la fin du solstice d'hiver et la renaissance de la vigueur du soleil, d'où ce nom de « Sol Invictus » (Soleil invaincu) avant que Constantin n'y ajoute en 336 : « Natus Christus in Bethleem ». Le sociologue Émile Durkheim ne s'y trompait pas, lui qui voyait dans les rituels l'occasion de « renforcer le sentiment d'appartenance collective et de dépendance à un ordre moral supérieur sauvant les individus du chaos et du désordre ». Ou comment arriver à briser l'enfer de l'open space avec un arbre de Noël et un buffet. Le rite peut aussi être interprété comme un moyen de revivifier les croyances. C'est le moment où on échange sur l'avenir de l'entreprise, on partage ses questionnements, on dresse des bilans.

Si l'on en croit Durkheim mais aussi Kant, le rite rapporte les individus à une personnalité morale supérieure à eux, au sens où, dans l'effervescence de l'action collective, la réunion des individus constitue un tout supérieur à la somme de ses parties. Mais il constitue aussi les individus eux-mêmes en personnes morales, au sens où ceux-ci, en tant qu'ils participent tous à la société, se doivent mutuellement le respect. Encourageant non ? Surtout dans ces temps de dérapages verbaux à l'angle des couloirs... Le hic dans ce type de fête c'est la frontière entre vie privée et professionnelle. La crainte de s'y dévoiler. Le risque qu'entre un canapé au saumon et trois coupes de champagne on laisse tomber son masque. Rassurez-vous, la convivialité est un piège bien ordinaire dans l'entreprise. Au même titre que le repas de famille élargi au soir de Noël. À ce sujet, le sociologue américain Goffman ne croit pas en une personnalité entière et unique. En endossant un rôle, l'individu respecte aussi les rôles que jouent les autres individus, faute de quoi la mise en scène de la relation sociale est impossible. Il y a donc dans ces réunions entre collègues une sorte de langage universel à travers lequel les acteurs peuvent varier leurs comportements (chanter, danser, se déguiser...) tout en gardant une réserve secrète de comportements. Ouf ! Ce n'est pas « le monde qui est une scène », ce qui laisserait supposer que la réalité serait à l'intérieur de soi. De fait, « chaque monde social est une scène. » Ce qui encourage à nous y investir pour jouer à inventer de nouveaux rôles et de nouveaux jeux. Au fait, on fait quoi le 3 janvier au matin ?

« Celui qui n'a pas Noël dans le coeur ne le trouvera jamais au pied d'un arbre. »

Roy Lemon Smith

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