Le Sénat veut alourdir la fiscalité de l'assurance-vie et du livret A

A l'initiative de Philippe Marini, la commission des finances a adopté deux amendements touchant aux symboles de l'épargne française. Objectif : favoriser l'investissement en actions.
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Désormais, lorsqu'on parle fiscalité, il n'y a plus aucun tabou. Ce mardi, le Sénat n'a pas hésité à faire entrer l'assurance-vie et le livret A, les deux produits d'épargne fétiches des Français, dans la réflexion sur la fiscalité de l'épargne. La commission des Finances a adopté trois amendements dits « d'appel », c'est-à-dire destinés à ouvrir le débat lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances 2011.

Leur contenu risque de faire du bruit. Les deux premiers amendements concernent les contrats d'assurance-vie qui seront ouverts à compter du 1er janvier 2011. Ils visent à inciter les épargnants à privilégier les unités de compte (investies en actions) plutôt que de confier leurs économies au sacro-saint fonds en euros. Comment ? En baissant le taux d'imposition (appliqué au-delà des abattements) de 7,5 à 5,5 % pour ceux qui jouent le jeu et en le passant à 8,5 % pour les autres (voir détails ci-dessous). Le rapporteur général du budget au Sénat, Philippe Marini, a de la suite dans les idées : déjà, le 18 août dernier, il avait prôné une défiscalisation au bout de 12 ans au lieu de 8. Ces initiatives pour privilégier l'investissement sur les marchés boursiers sentent le réchauffé. Amendement Fourgous, contrats DSK et NSK (voir ci-dessous)... les différentes mesures politiques prises dans ce sens depuis 1998 n'ont pas résisté aux tempêtes boursières.

Pas de réaction de Bercy

Le dernier amendement voté par le Sénat consiste à rendre imposable les intérêts tirés de l'épargne réglementée (livret A, livret bleu, LEP, LDD, livret jeune) pour les sommes dépassant le plafond réglementaire (voir ci-dessous). D'après Philippe Marini, moins de 10 % des livrets sont au-dessus du plafond mais ils représentent 40 % de l'encours.

Selon l'élu UMP, « la réforme de la fiscalité de l'épargne sera bien obligée de s'intéresser à ces deux blocs. Et pour bien faire comprendre ce message, il faut s'y prendre tôt ». Ces amendements ont-ils des chances de passer ? Ces derniers jours, Nicolas Sarkozy et François Fillon ont certes tous deux réaffirmé qu'une réforme de la fiscalité du patrimoine serait engagée début 2011. Avec comme axe de travail la taxation des revenus du patrimoine plutôt que du patrimoine lui-même. Bercy n'a pas fait connaître sa position officielle. Mais il y a peu de chances que le ministère du budget s'engage dans une telle réforme et que l'amendement passe le stade du vote en séance publique au Sénat.

Ce que changeraient les modifications proposées par le Sénat

1) Apparition d'un nouveau type de contrat

Le premier amendement veut instaurer un taux d'imposition préférentiel, au-delà des abattements traditionnels, réduit à 5,5 %, au lieu de 7,5 % pour les contrats d'assurance-vie souscrits à compter du 1er janvier 2011, dont les actifs seraient constitués d'au moins 15 % d'unités de compte « actions » de sociétés françaises ou européennes, pour au moins 10 ans. Un nouveau type d'assurance-vie rappelant les contrats dits DSK, instaurés en 1998. En échange de 50 % investis en actions françaises, la totalité des gains était exonérée d'impôts. Même fiscalité dorée pour les contrats dits « NSK », lancés par Nicolas Sarkozy en 2003, conditionnés à 30 % en actions européennes. Un véritable flop : à peine deux contrats NSK ont été lancés. Et la fiscalité était autrement plus attractive... « On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif, ironise un assureur. Le client échaudé par la Bourse ne se laissera pas convaincre par une carotte fiscale ».

2) Fiscalité accrue sur l'assurance-vie

Afin d'assurer la neutralité de la réforme pour les finances publiques et pour privilégier l'investissement en actions, le Sénat envisage de taxer plus lourdement l'assurance-vie « classique », ce produit d'épargne souscrit par 41,8 % des ménages français. Pas question de toucher aux abattements déjà existants : les gains glanés sur l'assurance-vie continueraient d'être exonérés d'impôts en dessous d'un seuil de 4.600 euros de plus values ou d'intérêts retirés chaque année pour un célibataire (9. 200 euros pour un couple). Au-delà, en revanche, les gains seraient imposables à hauteur de 8,5 % après huit ans, au lieu de 7,5 % aujourd'hui. Une modification qui, si elle intervenait, concernait surtout les gros revenus. En effet, un calcul rapide montre qu'un célibataire détenant un contrat d'assurance-vie depuis huit ans, qui lui a rapporté 4 % par an, peut retirer jusqu'à 19.200 euros par an sans payer d'impôts.

3) Imposition des livrets au-dessus du plafond

Un autre amendement rendrait imposable les intérêts tirés des placements sur des livrets d'épargne réglementés (livret A et livret bleu, LEP, livret de développement durable et livret jeune) pour les sommes au-dessus du plafond réglementaire. Il est en effet possible de dépasser ce plafond (15.300 euros pour un livret A, 6.000 euros pour un LDD, etc.) grâce aux intérêts composés, c'est-à-dire les intérêts d'intérêts. C'est souvent le cas avec les vieux livrets, ouverts par les parents pour leurs enfants en vue de leur offrir un petit pécule au moment de leur majorité. Rappelons qu'en 1981, le livret A rapportait 8,5 %. Le plafond était donc vite atteint. Si cette mesure était votée, les sommes concernées seraient imposées et subiraient certainement les prélèvements sociaux, soit un rendement net qui passerait de 1,75 % à 1,22 %. Les comptes sur livret (ING, Cortal, BforBank...) deviendraient alors très compétitifs.

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